Le soleil était haut dans le ciel, j’entendais les oiseaux chanter gaiment sur leurs arbres, les élèves se chahuter gentiment dans le parc. J’avais aménagé mon bureau de façon à avoir directement la lumière du soleil sur la table. Cependant, j’étais assise contre la fenêtre, adossée contre les pierres fraîches, mon journal intime sur les genoux. Je n’étais pas en train d’écrire, non, je le relisais de nouveau. C’est ma première année à Poudlard en tant que professeur et je dois avouer que j’ai le trac. Ressasser mes bons souvenirs en tant qu’élèves devrait m’aider à me sentir mieux.

• « Le 29 juin 1952
  Hôpital de Montauban, France
  Cher nouveau journal, je me présente, Ashelia Lefebvre, j’ai à peine quatre jours. Je suis la deuxième fille de Cindy et Christian Lefebvre. Mes parents ont trouvé intéressant de commencer à écrire mon journal intime. Ils doivent se dire que cela me plairait de savoir comment j’étais étant bébé. J’ai un frère jumeau, Florian, qui a treize secondes de plus que moi. Il ne se rend pas encore bien compte que je vais lui pourrir la vie, gentiment, bien-sûr, mes parents seront là pour me cadrer. J’ai aussi une grande sœur, Mandy, qui a quatre ans de plus. Elle par contre, se rend compte de beaucoup de choses, … »

J'adorais mes parents. Ils nous ont tout donné à mon frère, à ma sœur et à moi. À cet âge-là, je ne me rendais compte de rien et je n'ai naturellement aucun souvenir. Cependant, j'adore relire ces passages, à force j'ai l'impression de les voir comme des souvenirs. Je me fabriquais des souvenirs. Je tournais quelques pages. Mes parents écrivaient au minimum deux fois par jour ! S'ils écrivaient des choses utiles encore, je ne dirais rien, mais là ! J'en avais rien à faire de savoir que je faisais trois rots après avoir mangé. Cependant, certains détails étaient tout de même cocasses. Tournant les pages, je tombais sur une photo de Flo et moi à six ans. Mandy était à côté de nous, papa et maman derrière nous. Devant se trouvait un magnifique gâteau d’anniversaire. Je ne me souviens pas tellement de ce jour-là. Ce que j’arrive à me rappeler c’est la jalousie que j’ai eue en voyant Mandy être plus aimée que moi. Normalement c’était mon jour, c’était l’anniversaire de Florian et le mien ! Les stars du jour devaient être nous, pas elle. Bien plus tard, elle m’expliqua qu’en fait, elle faisait tout pour que notre anniversaire se passe bien et que tout le monde s’amuse. Elle n’avait pas pensée qu’elle nous ferait du tort.

• « Le 15 décembre 1955
  À la maison, Angleterre
  Cher journal, aujourd’hui, Mandy fête son anniversaire dans la nouvelle maison. Je ne sais pas encore ce que ça signifie, mais j’aime quand on fête le mien, je reçois plein de cadeaux et il y a plein d’enfants qui viennent à la maison pour jouer… »

J’aimais beaucoup quand mes amis venaient à la maison. On jouait tout le temps ! Malheureusement, Florian invitait aussi ses amis et ils nous embêtaient tout le temps. C’est bien d’avoir un jumeau, mais quand on est gosses, c’est agaçant. Imaginez, vous fêtez votre anniversaire avec quelqu’un d’autre, vous devez partager les cadeaux. Un enfer pour les jumeaux, je n’ose pas imaginer lorsqu’il y a des triplés.

• « Le 3 mars 1959
  Dans ma chambre
  Cher journal, c’est un grand jour pour moi ! J’écris toute seule dans mon journal. Florian a été méchant avec moi. Il m’a pris mon gâteau. J’étais en colère, très en colère. J’ai pleuré et il a rigolé. Et là j’ai pas compris. D’un coup ses cheveux ont changé de couleur. Ils étaient rouges et violet. Il a couru vers maman et a dit que c’était moi. Mais je l’ai pas touché. Maman a eu peur, comme papa. Mais ils ont rien dit. »

Mes parents sont des moldus. Et ma grande sœur l’est également. C’est pour cela qu’ils n’ont pas compris comment Florian a pu se retrouver avec les cheveux rouges. J’ai eu peur également, je me suis demandée ce qu’il s’était passé et pour la première fois je me suis remise en question. Mais je ne croyais pas aux contes de fées et la magie ça n’existait pas ! Du moins jusqu’à l’âge de mes onze ans.

• « Le 29 novembre 1960
  Dans ma chambre
  Cher journal, j’ai une chose à dire : j’adore l’école ! Surtout les maths et la chimie. Les autres détestent ces cours, mais je ne vois pas pourquoi. J’ai d’ailleurs voulu convaincre les autres, mais un garçon, Christian, n’était pas d’accord. Il m’a crié dessus. Je lui répondais calmement, sachant que crier ne servait à rien. Déstabilisé, il cessa de crier et s’en alla. J’étais contente. J’avais gardé la tête froide. Valentin m’a même embrassé. J’avoue que je sais pas pourquoi. »

Je n’étais pas très courageuse. Je préférais travailler des méninges plutôt que d’être sur le terrain. J’étais d’ailleurs très différente de mon frère. Dans un cas comme celui-là il aurait préféré utiliser ses poings. Je le tempérais le plus souvent, mais lorsqu’il était seul, je ne vous raconte pas le carnage.

• « Le 15 décembre 1961
  Dans le salon
  Cher journal, c’est un grand jour aujourd’hui, Mandy fête ses treize ans, qu’est-ce qu’elle est grande. J’espère que je serais aussi belle qu’elle à son âge. J’aimerais tout faire comme elle. Aujourd’hui Thomas m’a fait un bisou sur la joue. Je l’aime bien Thomas. Il est toujours gentil avec moi. Plus tard, je me marierais avec lui ! »

Qu’est-ce qu’on peut dire comme bêtises à cet âge-là ! Deux jours plus tard, il m’avait mis la honte de ma vie. Je ne voulais plus le revoir. Je me souviens que je changeais aussi souvent d’humeur que de chemises. J’avais une saleté de caractère et je crois que je l’ai encore d’ailleurs.

• « Le 29 juin 1963
  Dans la cuisine
  Cher journal, il faut que je le dise à quelqu’un. Je n’y crois pas ! Florian et moi avons reçu une lettre étrange. Elle indiquait qu’on était admis à l’école Poudlard, l’école des sorciers. Je n’y croyais pas. Je refusais d’y croire ! Pourquoi Florian et moi ? Et pourquoi pas papa et maman et Mandy ? Je ne comprends rien. Qui voudrait nous jouer un tour ? Je suis pas méchante ! Et Florian non plus. Oui bon, passons Florian. Mais moi ? Je sais pas quoi en penser. »

Je n’y croyais vraiment pas à Poudlard. Mes parents non plus. Je pense qu’ils ne savaient pas trop quoi penser. La lettre d’explication était forcément écrite par un adulte, certaines expressions ne pouvaient pas venir d’un enfant. Alors mes parents nous ont conduits sur le chemin de traverse. Quel choc ça nous a fait à Florian et à moi. Mandy aussi était choqué, mais je pense qu’elle était plus jalouse qu’autre chose.

• « Le 1 août 1963
  Chemin de traverse
  Cher journal, si tu savais où je suis ! C'est vraiment vrai ! C'est réel ! La magie existe ! Je suis si excitée. On a commencé à acheter nos fournitures, mais pour le moment et avec la chaleur écrasante nous sommes assis sur une terrasse à manger une glace. J'adore ! Si tu voyais toutes les boutiques ! C'est fantastique ! On est passé à la ménagerie magique ! On a le droit d'avoir un animal de compagnie : un chat, un crapaud ou un hibou. J'ai opté pour un chat, j'aime bien les chats. Florian a préféré un hibou. Je ne vois pas ce qu'il y a de cool dans un hibou. Oh et après on est allé chez Ollivander ! J'ai acheté ma baguette, mais j'ai pas le droit de faire de magie, en plus je connais aucun sort ! Le monsieur était bizarre ! Il nous a regardé, il nous a mesuré, même à des endroits que je n'aurais jamais imaginés - l'écartement entre mes narines joue un rôle dans le choix d'une baguette ? - encore plus étrange, c'est la baguette qui choisit son sorcier ! J'y croyais pas ! Mais pourtant c'est vrai ! J'ai essayé deux ou trois baguettes avant de trouver la bonne. Quand je l'ai tenue, une chaleur s'est introduite en moi par mes doigts jusqu'à mes orteils. Ça faisait drôle. J'ai attendu pour Florian, c'était pareil, avec la lumière qui s'échappait de la baguette et du vent qui mélangeait nos cheveux. »

Cette expérience, je la garderais à vie en mémoire. Moi qui suis née de moldus, découvrir la magie est vraiment géniale, tout me parait génial et je ne me doute pas un seul instant que je pouvais être détesté justement à cause de mon sang.

• « Le 1er septembre 1963
  Dans mon dortoir
  Cher journal, Poudlard existe vraiment ! Et c'est une véritable école pour les sorciers ! Si tu voyais le château ! Les escaliers bougent tous seuls ! Et les tableaux ! Ils sont animés ! Tu leur parles et ils te répondent ! C'est fantastique ! Oh je t'ai pas raconté le meilleur ! Ce soir, après une journée entière dans un train - où j'ai rencontré d'autres élèves de mon âge avec qui j'ai sympathisé, Florian était resté avec moi, on a bien rigolé avec tous ensemble - on a été réparti ! On devait s'asseoir sur un tabouret et le professeur nous a posé un chapeau sur la tête ... un chapeau qui parle ! On a défilé chacun notre tour et il m'a envoyé chez les Poufsouffle. On dit d'eux qu'ils sont justes et sages. Ce qui me correspond bien, je trouve. Florian est dans la même maison que moi. Je suis contente qu'il soit là, avec moi. Seule j'aurais eu trop peur. Là je suis allongée dans mon lit jaune et noir. J'ai l'impression de rêver, c'est pas possible ! Je vais demander à Florian de me pincer demain. Pour le moment j'ai sommeil. J'aimerais encore te raconter des choses, je te les dirai demain. »

Je croyais vraiment que je rêvais, même si d'un autre côté, j'espérais un peu, je ne voulais vraiment pas être en plein songe. Quel ne fut pas ma surprise lorsque je me suis rendu compte que j'étais vraiment sorcière ? Et que je me réveillais dans un lit à baldaquin jaune et noir ? Que j'étais dans un dortoir avec quatre autres filles ? Mon premier jour fut fantastique, quoique dur en même temps. Moi qui ne connaissais pas la magie, je devais apprendre rapidement. Ma première année s'était déroulée sans trop de difficultés. J'étais polie, mais un peu en retrait par rapport aux autres. Je me cachais souvent derrière mon frère. Mais il ne pouvait pas me protéger de toutes les attaques. Et la plus grande souffrance qu'on m'a faite fut en troisième année. Un garçon de Serpentard me traita de sang-de-bourbe. Au début, je ne savais pas ce que cela voulait dire, mais j'ai compris rapidement que ce ne devait pas être gentil, vu les visages outrés de mes camarades. Ils m'ont expliqué que c'était une injure odieuse pour qualifier les enfants nés de parents moldus comme moi. Je ne comprenais pas en quoi le sang entrait en ligne de compte. Ce n'est qu'en cinquième année, lorsqu'un de mes amis m'expliqua que certains sorciers se sentaient supérieurs, car leur sang n'était pas « souillé » par du sang moldu. Moi, par sans pur, je voyais plutôt de la consanguinité. Donc des gens potentiellement atteint au cerveau.

• « Le 19 mai 1969
  Sous un arbre
  Cher journal, un Serpentard m’a cherché aujourd’hui. Il m’a traité de sang-de-bourbe. Je t’ai déjà dit que c’était très méchant vis-à-vis des gens comme moi. Il m’avait fait son spitch sur les sangs-purs et je n’ai pas résisté à lui éclaircir les idées. Je lui ai répondu du tac au tac que mon sang était neuf, pas comme le sien. Qu’à force d’avoir le même sang, sa famille et tous les sangs purs finiraient par devenir idiots, pour être poli. Je ne m’attendais pas à ce qu’il me provoque en duel. J’étais obligée d’accepter. Mais je me suis plutôt bien débrouillée. J’ai adoré lui mettre sa raclée ! »

C’est peut-être à cet instant que j’ai voulu faire prof de duel quand j’aurais eu tous mes aspics et que j’aurais quitté Poudlard. Je ne connaissais que de vague sorts de défense et quelques-uns d’attaque, mais j’étais agile, souple et rapide ce qui me donna rapidement l’avantage. J’étais contente et à la fois j’étais plutôt triste. Pour tous ceux qui croyaient en cette pureté du sang et pour ceux qui étaient comme moi. À jamais, nous serions traités comme des êtres inférieurs. C’est depuis cette année-là que j’ai commencé réellement à me battre ! Je n’étais pas plus nulle que les autres ! Et mon sang n’était pas impur !

• « Le 1er septembre 1970
  Dans mon lit
  Cher journal, c’est ma dernière année et je n’ai aucune envie de quitter Poudlard ! Je ne sais pas ce que je vais faire après. Je ne sais pas ce que je veux faire ! En quoi suis-je douée ? Je ne me vois pas faire un travail de bureau, j’aime le contact avec les gens ! Je ne suis pas assez douée pour faire Aurors, même si combattre le mal me plait plutôt bien. Et surtout si je peux aider les autres sorciers nés de moldus, ça serait vraiment bien ! Tu vois journal, je ne sais pas dans quelle voie m’orienter. »

J’étais très angoissée. Je n’avais aucune perspective d’avenir et mes années d’études touchaient à leur fin. C’était atroce. Au fil de l’année j’avais des insomnies sévères. L’infirmière de l’école me récupéra, un vendredi après-midi, dans un sale état. Mon professeur de potion ne voulait pas que je fasse exploser la salle avec une erreur d’étourderie. Pour me changer les idées, Nikolaï m’avait fait une déclaration d’amour.

• « Le 5 octobre 1970
  Dans la coure
  Cher journal, Nikolaï m'a bien surprise aujourd'hui. Il m'aime bien et je crois que c'est en partie pour ça qu'il a voulu me remonter le moral. À la sortie des cours, il m'attendait avec une rose violette, à genoux. Il m'avait écrit un texte qui ressemblait plutôt à une déclaration d'amour. Je ne savais plus où me mettre. J'aime bien Niko, mais j'aime pas être au centre de l'attention - même si du coup c'était lui qui l'était plus que moi. Je vais t'écrire - de mémoire - ce qu'il m'a dit : Tes cheveux bonds comme les blés réchauffe mes nuits d'hivers, parfois brun pour cacher ta peine. Tes yeux verts sont comme des émeraudes, pierres précieuses pour mon être. Les autres filles envient ta silhouette fine et agile qui glisse majestueusement. Ta sagesse surpasse de beaucoup les Poufsouffle, ton courage est même aux Gryffondor, ta malice rend vert de rage les Serpentards, ton dur labeur jalouse les Serdaigle. Tes qualités et tes défauts me font te dire que je t'aime ! »

Je l'avoue les rimes ce n'est pas trop ça. Mais je n'avais jamais dit qu'il s'agissait d'un poème, non plus. J'étais rouge comme une pivoine. Et à l'époque, je ne savais si c'était du lard ou du cochon. Aujourd'hui, avec le recul, je pense en effet qu'il devait être un peu amoureux. C'est bête d'avoir laissé passer une occasion. Et puis comme on dit : un de perdu, dix de retrouvés. Enfin personnellement, je ne les ai pas encore aperçus les dix autres, moi ! Et pourtant l'année ne venait que de commencer. Et j'aurais eu bien besoin de quelqu'un pour me distraire un peu. L'angoisse des examens de fin d'année me perturbait déjà. Et on était qu'en octobre. Le reste de l'année fut semblable au début. Mais j'arrivais à suivre les cours convenablement et avoir des notes pas trop mauvaises.

Je suis sortie de Poudlard avec tous mes aspics en poche. Et l'inquiétude à propos de mon avenir me revint de plein fouet. Qu'allais-je faire maintenant ? Je postulais à n'importe quel poste. Florian avait été recruté dans une équipe de Quidditch, il n'était pas trop mauvais à Poudlard. Alors que j'assistais à son premier match, j'ai discuté avec le propriétaire de la ménagerie magique. Je crois qu'il a tellement eu pitié de moi qu'il m'a embauchée. J'aimais bien m'occuper des animaux. Jusqu'au jour où une saleté de crapaud avait décidé de prendre résidence dans mes cheveux. Il n'y avait rien à faire, dès qu'il me voyait il me sautait sur la tête. Les clients étaient amusés, sauf moi. Je quittais la ménagerie en 1975.

À la rue professionnellement parlant, je décidais de tenter ma chance à Poudlard. C’était ma deuxième maison, ma deuxième famille. Même si je devais être une assistante, je saurais m’en contenter. Heureusement pour moi, le poste de duel était tout juste vacant.

Eh bien, si tu as déjà un autre compte, re-bienvenue .