« Tiens, la jolie Lyra Bilnakie… Que me répondrais-tu si je te disais que je sais très bien ce que tu es aujourd’hui ? Cela te paraît étrange, n’est-ce pas ? Pourtant, il est toujours bien difficile de deviner par avance ce que seront les gens… Je ne veux pas dire pour autant que tu sois prévisible, loin de là, tu le sais aussi bien que moi… Mais je savais que tu emprunterais cette voie, que tu deviendrais ce resplendissant bout de femme, à la fois douce et froide d’apparence, et si farouche. Que ton intelligence ne cesserait de croître, et que ton esprit en blufferait plus d’un. Que tu nous réserverais bien des surprises, également… Belle enfant, comme le temps passe… Je me souviens encore de ton air innocent mais déjà si fier, alors que ton derrière inexistant venait se poser sur ce vieux tabouret. Des formes inexistantes alors... Ca a bien changé, ou peut-être pas tant que ça. Tes courbes attirent plus d'un regard, mais au fond, c'est toujours la même chose, le même éclat provocant qui brille au fond de ton regard sombre , le même sourire cynique qui apparaît sur tes pulpeuses lèvres vermeilles, la même chevelure soyeuse dont tu prends toujours autant soin, la même grâce, la même promesse d'avenir. Et dire qu’aujourd’hui, tu es l’une des plus grandes fiertés de notre école. J’espère pouvoir toujours en dire autant dans quelques années, quand tu auras fait pour de bon tes premiers pas dans la vie active des sorciers. Que voudrais-tu devenir ? Ministre de la Magie ? Auror ? Joueuse de Quidditch ? Langue-de-plomb ? Professeur de Potions ? Médicomage ? Ecrivain ? »

Ce chapeau ensorcelé avait toujours eu la mauvaise habitude de trop parler. Lyra n’aimait pas la façon qu’il avait de la deviner, d’abattre ses défenses, de la faire se retrouver face à elle même alors qu'elle passait son temps à enfouir sa personnalité sous une carapace bien plus attrayante, ou repoussante selon les points de vue. Et bien que quelques-uns de ses mots gonflaient son arrogance et sublimaient son ego, elle savait que bientôt, il dévoilerait ses faiblesses au grand jour, les lui murmurerait à l’oreille, et cette idée l’insupportait déjà. Ses questions qui n’en étaient pas prenaient forme dans son esprit et faisaient naître de nouvelles interrogations. Lyra ne savais pat réellement ce qu'elle voulait faire, après. Elle laissait le temps et les évènements en décider. Ce n’était pas un manque d’ambition, loin de là. Elle ne voulait pas trop s'y projeter.

« Toujours aussi mystérieuse, n’est-ce pas ? Je sens bien les barrières que tu glisses, mais tu le sais, petite Lyra , qu’elles sont inutiles… Tu es devenue pire encore. Les récents évènements t’ont fait devenir plus méfiante que jamais, ta peur de la trahison t’a rendu paranoïaque, tu vois le mal partout et le reproduit à ton tour, comme pour boucler la boucle. Serait-ce d’un complexe d’infério-supériorité que tu souffrirais ? Si hautaine, tant de prestance et d’élégance, et pourtant, si peu de confiance en soi… Tu aspires à être parfaite… Mais qui te dit que tu ne l’es pas déjà ? »

Par Merlin et Morgane, qui avait eu la brillante idée de donner vie à ce chapeau stupide ? Elle avait l’impression que cette analyse ne se terminerait jamais. Pourtant, elle était clouée sur place. Elle savait qu’il pouvait lui apporter d’importants détails, une analyse d'elle -même plus approfondie, si jamais il se décidait à arrêter de jouer aux clowns. Tout ce qu’il disait jusque-là, elle en avait parfaitement conscience. Bien qu'elle n’admettrait jamais une réponse positive à la dernière interrogation qu’il avait laissé planer. Car si elle se montrait agressive, fière ,elle se refusait à la prétention. Elle était contradictoire, extrême, indiscernable. On le lui avait toujours dit. Lunatique, elle passait d’une humeur à l’autre sans arrêt, de ton de voix, d’expression, jusqu’à perdre son interlocuteur, le rendre dingue. On ne savait plus comment la prendre. Quant à sa soi-disant paranoïa, elle était tout à fait fondée. Jour après jour, mois après mois, année après année, elle avait vu s’éloigner d'elle les rares personnes qu'elle s'était accordée à aimer, et elle avait grandi avec ce vide en son cœur, et ce sentiment d’abandon qui la rendait totalement dingue.

« Ce n’est pas faute pourtant de chercher à trouver l’estime que tu as de toi-même. Ton esprit critique te fait descendre les autres sans arrêt, et tu te conduis comme une véritable peste, n’est-ce pas ? Tu manipules bien ton monde, qui plus est, ils n’y voient que du feu, ils croient au moindre de tes mensonges concernant ton état, et à tous les compliments que tu leur offres. Tu n’es franche qu’avec ceux que tu ne supportes pas, mais ignore autrement les conflits. Tu les fuis, refusant de te poster dans une situation délicate tant que l’autre ne te provoque pas, ou ne te blesse pas. Cela arrive assez souvent, tu es très susceptible. Tu deviens alors horrible, tes mots claquent et poignardent l’adversaire que tu saluais gaiement quelques secondes plutôt. Sans foi ni loi. Seule la protection constante de ta personne compte. »

Elle n’y peux rien s’ils sont stupides. S’ils ne sont pas capables de voir qu'elle se fous d’eux, s’ils croient en ses sourires. Ils l'imaginent si sociable, si sympathique, tandis qu'elle s'acharnait sur le moindre de leurs faits et gestes.

« Malheureusement, cela ne te suffit pas. Tu te sais au-dessus d’eux, mais tu exacerbes tellement tes défauts, tu les transformes en obsessions, et tu ne te trouves jamais satisfaite de toi-même. Tu aurais de quoi, pourtant. Regarde donc tous ces regards posés sur toi, constamment. »

Elle les connais, ces regards, déjà, et depuis longtemps. Elle a fini par s’y accoutumer, et si autrefois elle les recherchais, à présent, elle les ignore. Les uns sont admiratifs, car ils ne voient que ce qu'elle accepte de montrer. Ils le seraient sans doute moins en découvrant dans quelle pierre elle est réellement taillée. S’ils connaissaient ses actes, ses pensées. Ils la voient seulement onduler, se donner en spectacle, sourire, rire, briser, répartir avec tact, répondre avec audace, rembarrer. Et ça leur plaît, mais ils ont tort, ils ne savent rien. Il y en a d’autres. Il y a ceux qui se méfient, à raison, et qu'elle tente encore de berner en les convaincant du contraire. Elle y parviens toujours, usant de mes charmes. Il y a ceux qui la jalousent. Ceux-là Lyra s'amusent, elle s'en joue, leur donne plus de raisons encore de poursuivre leur opinion. Chaque jour, chaque nuit. Elle laisse courir les rumeurs, qu’elles soient fausses ou vraies, et sa réputation grimper. Et puis, il y a les regards emplis d’envie de ceux qui la voudraient dans leur lit. Elle aguiche plus encore avec un air d’innocence, elle ressentir la frustration des pauvres gens, et elle sélectionne parmi ses victimes, les meilleurs morceaux pouvant se laisser assouvir ses vices .

« Tes parents tout deux sorciers, et pas particulièrement passionnés par la culture moldue, me semble-t-il… »

Si ses parents sont tous deux sorciers, cela ne fait pas tant de générations que cela se trouve être ainsi. Trois ou quatre, disons, peut-être un peu plus. Être de Sang-Pur… Elle ne sais pas si cela aurait changé grand-chose. Oui, à vrai dire, elle s'’en fous totalement. Pourtant, cela ne semble pas être le cas de grand monde en ce moment. Ces affrontements l’épuisent ; elle n’a pas encore choisi de camp. Peu importe. Ses parents, elle n’y est pas plus attachée que ça. Elle n'est pas attachée à grand monde, en réalité, si ce n’est à personne. Fille unique. Son père travaille au Ministère, un petit job. Sa mère est libraire, sur le chemin de traverse. Ils ne lui font pas honte, mais ils ne sont pas sa fierté non plus. Elle s’en moque. Ils ne l’aideront pas plus que ça à avancer dans la vie. La seule chose pour laquelle elle peux remercier ma mère, c’est de lui avoir offert ses traits, dont elle n’a pas su se servir à son avantage, se contentant d’un bonheur simple et médiocre. Lyra a eu une vie banale auprès d'eux autrefois, et c'est justement pour cela qu'au fond d'elle, elle a décidé de révolutionner sa vie, d'y ajouter du piquant et de passer subtilement au-dessus des embûches sans pour autant les détourner.