Rusard se tenait sur ses gardes, empoignant férocement les deux futuristes. Il se moquait des alentours, lui, car cela n’avait plus d’importance : ils avaient mis la main sur les coupables, il en était persuadé. Ces sales adolescents sont capables de tout, y compris le meurtre, maintenant il en avait la preuve. Cependant, grâce à eux, le directeur allait peut-être l’autoriser enfin à user de châtiments corporels. Oui, bien entendu ! Il ne pourra être contre l’idée que le concierge pose des questions aux coupables… à sa manière. Il avait tous les éléments pour rendre son jugement : coupables, et même doublement coupables ! Il faut renvoyer ses parasites dans l’abîme où ils ont dû naitre, en les soumettant à la question d’abord !

Qui sait ? Peut-être que Wildwind le remerciera de l’avoir aidé à résoudre aussi vite cette enquête, sera épatée de voir comment il réussit aussi bien à les faire parler, sera élue ministre grâce à Rusard, et le prendra comme principal conseiller… A eux deux, ils révolutionneront le monde sorcier, et Rusard sera couverts d’éloges et de richesses, au bras de la sublime Wildwind, regardant les autres d’un air pompeux et condescendant.
Pour un peu, le concierge remercierait les trois criminels !

Ils arrivèrent devant la gargouille. Toujours aimable avec Rusard, la candidate au ministère le laissa donner le mot de passe pour que les escaliers apparaissent. Ils montèrent tous les cinq au bureau du directeur. Malgré toute cette agitation, Argus était sûr que Dumbledore serait exactement là où on avait besoin de lui. Cette sorte de préscience de vieil homme était parfois effrayante, comme si Poudlard n’avait aucun secret pour le directeur. Comme s’il savait exactement qui le cherchait et pourquoi.

Et en effet, le directeur était présent. La situation était grave, un professeur, et pas n’importe lequel, a été assassiné par un de ses maudits élèves qu’il a eu l’imprudence d’accepter, son poste était probablement en jeu, mais le vieil homme semblait tout à fait tranquille. Ses yeux bleus perçants avaient très bien vu qui venait d’entrer et Rusard était sûr qu’il savait également pourquoi.

L’auror prit la parole. Elle avait toute autorité, il était normal qu’elle explique au directeur les circonstances du drame. Par contre, elle semblait douter de la culpabilité du grand roux/brun/blond étranger (impossible de s’accorder sur les couleurs de cheveux du meurtrier). Par contre, il était tout à fait d’accord sur l’idée de les interroger !
« Permettez, madame, monsieur… J’ai découvert le corps du professeur. Il a été vraisemblablement torturé. Nul autre que l’auror Wilkinson et moi-même n’étions présent, je ne l’ai révélé qu’à madame Wildwind. Il est donc impossible que cet assassin… » dit-il en montrant Ron « …n’ait pu savoir, sans l’avoir commis, qu’un meurtre avait lieu au septième étage. Oui, il a même précisé l’étage ! Les deux autres sont complices, mais je peux vous assurer que nous tenons le coupable. »
Wildwind demanda à Rusard d’assurer la sécurité de Blackbird et de David. Quelle brave femme, penser ainsi à la sécurité de ses principaux concurrents pour le ministère ! Avait-elle, ne serait-ce qu’un défaut ?
« Bien madame. » répondit-il aussitôt, prêt à montrer sa fidélité à l’auror en chef.
Devait-il emmener également les deux complices pour les interroger, ne serait-ce que préventivement, en attente d’une Question plus vive ? Cela lui a traversé l’esprit, mais il ne voulait pas discuter un ordre de Wildwind, respectueux des règlements comme il l’était. Dumbledore était le sorcier le plus puissant du monde magique, craint de Voldemort lui-même. Wildwind n’avait pas gagné ses galons en faisant du tricot... Il n’allait pas les insulter en craignant pour leur sécurité face à trois adolescents attachés. Sans discuter, il redescendit les escaliers et partit à la recherche de Julien David, d’Augustus Blackbird et de ces froussards de serdaigles qui n’avaient pas intérêt à discuter pour regagner leur salle commune ! Ces mesures de sécurité ne servent plus à rien, puisque les coupables ont été trouvés, Rusard se chargera également de le révéler à ses collègues professeurs. Après tout, eux aussi ont le droit de savoir que des adolescents pouvaient être des meurtriers en puissance. Comme ça, il soutiendraient peut-être Rusard sur les châtiments corporels, et le droit de rendre aux « cachots » leur fonction première.

Albus Perceval Wulfric Brian Dumbledore connaissait une fin de soirée extrêmement agité.
Le bal s’était terminé, les gens partaient, lorsque la terrible nouvelle était tombée. Le directeur de Poudlard s’est immédiatement rendu au bureau du professeur de sortilèges, puis il a foncé vers son bureau. Il constata très vite que l’épée de Godric Gryffondor avait disparu.

« Intéressant… Tragique, mais intéressant. » se chuchota, tout bas le vieux sorcier.

Il était loin d’avoir tous les éléments en main. Il n’avait pas prévu du tout l’agression et le décès de son vieil ami, et il en était très attristé. Il a été présent au bal dans l’attente d’un évènement, il avait posté des espions de l’Ordre à pré-au-Lard, convaincu que le ou les agresseurs allaient agir plutôt au village, ou dans d’autres lieux, à Londres et ailleurs. Bref, il avait pensé que l’agresseur, personne ou organisation, allait profiter de la concentration d’aurors à Poudlard pour attaquer un autre endroit. Le ministère, par exemple ! Jamais le ministre n’avait été si faiblement protégé. Dumbledore avait soupçonné un piège orchestré par Bradley, qui avait fait exprès de ne pas venir pour tenter les mangemorts.

Les informations qui lui parvenaient, montraient qu’il s’était trompé sur toute la ligne.
Voldemort n’a pas attaqué le ministère. Il s’est méfié, sentant un piège. Et il a eu bien raison.

L’agresseur a frappé à Poudlard, contre toute attente. Soit il était plus imprudent et plus stupide que prévu, soit c’était l’inverse… Il a voulu montrer qu’il n’avait peur de rien. Et qu’il ne reculait devant rien. Dumbledore pencha pour la seconde hypothèse.
Un hibou lui parvint, enfin. Il prit vite le message et renvoya le rapace. Le message était urgent, et il avait grand besoin de s’asseoir.

« Alors, il l’a fait. Pauvre fou… »

Voldemort avait bougé, finalement. Pas du tout pour attaquer le ministère. Dans un sens, il avait fait pire. Il avait réussi cette nuit à faire accoster, dans le sol britannique, des bateaux remplis de…

Trois coups se firent entendre à la porte. Dumbledore regarda Lyanna Wildwind d’un regard perçant mais restant espiègle, à travers ses lunettes en demi-lune au-dessus de son nez cassé.

« Entrez, Lyanna, entrez donc. »

La chef des aurors s’excusa de le déranger, le vieil homme lui répondit immédiatement : « Vous ne me dérangez pas du tout, voyons. »

Contrôlant ses émotions, la jeune femme réussit à lui apprendre une nouvelle qu’il connaissait déjà mais qui l’attristait toujours. Il répondit doucement :
« Oui… je sais qu’il vous était cher, comme à beaucoup d’entre nous. J’aurais souhaité de meilleures circonstances pour pouvoir lui témoigner ma reconnaissance. »


Dumbledore ôta ses lunettes en demi-lune et se frotta les yeux avec sa main gauche. Cette mort l’affectait aussi, il connaissait Blakbird depuis plus de soixante ans. Tous deux étaient tombé d’accord pour dire que la mort n’était qu’une grande aventure de plus, qu’il leur fallait tous prendre. Mais il aurait souhaité cependant le retenir encore un petit peu avant qu’il ne s’aventure dans cette contrée.

Le vieil homme avait parfaitement vu la présence des trois futuristes, mais il ne posa aucune question. Il laissa Wildwind faire son rapport. Le concierge fit ensuite une sorte de plaidoirie à charge contre le futuriste roux, tenant comme acquis qu’il était le coupable. Tenir le responsable le soir-même aurait été la seule chance pour Lyanna de s’en sortir politiquement. Mais, contrairement à Rusard, elle sentait qu’elle ne tenait pas le bon. Son côté professionnel était plus fort que son ambition, et le vieil homme aimait cela.

« Ma chère Lyanna, je connais ces trois élèves, et je peux vous certifier qu’ils étaient à poudlard durant l’agression à Londres. Si on s’accorde pour dire qu’il s’agit de la même personne qui a commis ces deux agressions, cela ne peut être aucun d’entre eux. Par ailleurs… pourrai-je inspecter leurs baguettes, je vous prie ?»

Albus inspecta très attentivement les baguettes de chacun, les fit tourner, les mit à deux centimètres de ses yeux, come s’il vérifiait leur droiture, puis avec la sienne, jeta un « priori incantatem » sur celle de Ron. Une lueur orange et brumeuse sortit. La signature de l’imperium.

« Quelqu’un a jeté un imperium sur cette baguette, et tous les trois ont dû être atteints. Les incohérences du jeune homme montrent qu’il est touché mais elles cachent autre chose : Regardez ses deux camarades, Lyanna. Vous avez de l’expérience. Sont-ils, eux aussi, soumis à l’imperium ? »

Dumbledore conclut :
« Donc, quelqu’un leur a jeté un sort à tous les trois. Peut-être le coupable. Peut-être pas. S’il y a eu un meurtre, et qu’il n’hésite pas à lancer des impardonnables, pourquoi n’aurait-il pas lancé des avada kedavra sur ces trois élèves ? J’ai peur qu’il ne s’agisse d’une fausse piste, soit pour vous distraire pendant qu’il s’enfuyait, soit une fausse piste involontaire d’un élève prêt à tout pour faire renvoyer ses trois gryffondors, même à prononcer un imperium pour les faire accuser d’un meurtre qu’ils n’ont pas commis. »
Restait une question : comment Ron était-il au courant du meurtre ?

« Les rumeurs vont vite. Une d’entre elles veut que ce jeune homme ait poussé son avantage avec une jeune fille de la maison serpentard. Il n’en faut pas plus, hélas, pour qu’il soit choisi comme cible. Quant à savoir pour le meurtre… il n’est pas à exclure que ce soit un élève, au septième étage, qui ait découvert la scène du crime bien avant Argus, et qu’il en ait profité ensuite. Car j’ai une nouvelle pour vous, Lyanna : notre cher ami était déjà décédé depuis plus d’une heure quand il a été découvert. »

D’un geste de sa baguette, Dumbledore délivra les trois gryffondors.

« Je ne pense pas que nous craignons grand-chose. N’est-ce pas, mon garçon ? » demanda le directeur en faisant un petit clin d’œil à Ron.