Un mois. Il est souvent difficile d'établir un compte-rendu détaillé de ce qu'il s'est passé en un mois entier, aussi court soit-il comme ce mois de Février. J'étais à la bibliothèque, presque vide, puisque les gens revenaient tout juste de vacances et qu'ils avaient mieux à faire que de traîner au milieu d'étagères pleines de livres. Je n'arrivais pas encore à réaliser que le lendemain déjà, les cours reprendraient, que j'avais déjà épuisé une semaine en recherches. Mais pas en vain, puisque j'avais réussi à parler avec la Dame Grise et je pouvais de nouveau avancer. Mais ce n'était pas encore assez. J'avais passé l'aube dans ma salle commune à rédiger un nouveau rapport à Julien David, un rapport aussi détaillé que possible et j'avais volontairement omis de parler de James. Je ne pouvais pas demander sans cesse de l'aide au juge sans lui donner des preuves de ma bonne volonté, mais je me sentais tout de même extrêmement coupable de ne rien pouvoir faire pour mon ami. Tu n'es qu'une élève, me dirait-on, tu n'as pas encore ta place parmi les adultes, mais dans un peu plus d'un mois, j'allais enfin être majeure, et tout cela changerait. Mais qui dit avoir ma majorité signifiait aussi que celle de James approchait à grands pas également. Le 27 mars, s'il n'était pas sorti de prison, il serait envoyé à Azkaban, parmi les meurtriers et les détraqueurs. Et mon estomac se retournait à chaque fois que j'y pensais. Personne n'en parlait trop, moi-même je n'osais pas en parler ni à Sirius, ni à Peter, et encore moins à Remus avec qui j'avais peine à renouer un dialogue digne de ce nom. Parfois, plus qu'à certains moments, j'avais l'impression de nager dans un océan immense sous le ciel noir, sortant la tête de l'eau quelques secondes pour respirer avant de me faire engloutir dans les eaux profondes et déchaînées. Mais plus je m'enfonçais, plus tout paraissait calme autour de moi. Mais je savais très bien ce qu'impliquait la métaphore. « Je ne veux pas mourir. » me répétai-je sans cesse. « J'ai des choses à faire, des choses à finir, des choses à dire. Je ne peux pas mourir. ». Le repas fut rapide et je vis Velrose revenir, accompagné de Bretian, toujours avec un accès de joie que je ne comprenais décidément pas. Ce garçon ne ratait jamais une occasion de se faire remarquer en poussant des cris extatiques. Agacée, je refermai mon livre de potions dont je consultais les horribles recettes en faisant patauger ma cuillère dans un morceau de tarte à la mélasse. Je me levai quand lui arrivait, après tout j'avais aussi fini de manger. Mon sac plein à craquer devenait plus lourd de jours en jours à cause des notes et gribouillages que j'accumulais et je commençais à songer à trouver un sort me permettant de l'alléger, ou alors d'en agrandir le contenu sans changer la taille du contenant ni son poids, un peu comme les tentes de sorciers. Je savais que c'était à la bibliothèque que je trouverais mon bonheur, j'avais en plus de ça des grimoires à remettre en réserve, des grimoires sur Theodebald dont je n'étais pas triste de me séparer. J'avais assez survolé les sujets sur la magie noire et les soi-disant exploits du sorcier.

En arrivant là-bas, ce fut la première chose que je fis. Me débarrasser de ces grimoires fut un vrai soulagement et vu le peu d'élèves présents, je n'eus pas à expliquer pourquoi moi j'avais accès à certains livres et pas eux. Traînant dans les allées du côtés des livres de sortilèges, le nez en l'air, je cherchai un ouvrage qui pourrait m'aider. Je levai le bras pour saisir deux livres à la couverture épaisse qui me tombèrent aussi sec dans les bras. Je m'apprêtai à sortir du rayon lorsque je tombai nez à nez avec Chris, faisant un pas vers l'arrière par pur réflexe. Cela faisait des semaines que je ne lui avais pas parlé, je ne l'avais plus vraiment croisé depuis qu'il était venu me voir à Ste-Mangouste à vrai dire. Je ne pouvais pas prétendre qu'il m'esquivait, mais il restait discret, plus que de coutume, sans doute traînait-il davantage avec Bretian ou était amer à l'idée qu'un jour, le mauvais œil puisse s'abattre sur lui également. J'essayais d'afficher un sourire, me souvenant du débordement de joie de Velrose, qui ne m'aida pas plus que ça au final. Je pinçai un peu les lèvres à sa première question, il s'était passé tellement de choses, de mauvaises choses, que je n'avais pas très envie d'en parler, mais Chris avait toujours su m'écouter et je ne pouvais pas vraiment lui mentir, lui dire que tout allait bien, car je portais la fatigue sur mes horribles cernes. Je m'installai à une table, y posant les deux livres, l'invitant à faire de même. Je réfléchissais à quoi lui répondre, mais je fus ravie de constater qu'il avait repris la parole aussitôt. Apparemment il n'avait pas passé de super vacances comme beaucoup de monde, à croire que ce début d'année était décidément maudit. « Je travaille un peu plus mes sortilèges. » mentis-je, car il était évident que si je n'avais pas une matière où faire des efforts, c'était bien le cours de sortilèges. Enfin, ce n'était pas un si grand mensonge que ça, mais je ne voulais pas me lancer dans une grande conversation sur le pourquoi et le comment je voulais agrandir l'intérieur de mon sac. « Et toi ? C'est rare de te voir par ici. Avec ton père ça ne va toujours pas ? » chuchotai-je. Je savais très bien que Chris ne s'entendait plus trop avec son paternel, mais lui au moins en avait un. Je ne savais pas très bien de qui venait le problème exactement, mais je ne pouvais m'empêcher de suggérer à mon ami jaune et ébène de laisser une chance à son père à chaque fois que le sujet revenait sur le tapis. Sa mère avait disparu pour je ne savais quelle raison, ce devait être le centre du conflit, mais là je ne pouvais lui donner de faux espoirs. Peut-être que sa mère finirait par revenir, peut-être pas. En tout cas j'étais rassurée de constater que la conversation avait si facilement dévié du thème « Lukeither : La Poufsouffle qui s'en prend plus dans les dents qu'un joueur de Quidditch ». Pourtant... « Entre Remus et moi, c'est fini. » lâchai-je avec amertume et froideur.

Décidément l'excuse des sortilèges ne semblait pas être aussi bien passée que je l'aurai cru. Je me souvins enfin qu'en effet, Chris était doué en potions, bien plus que beaucoup de personnes. Je ne lançai plus rien après avoir dit que j'avais rompu avec Remus, la nouvelle suffisait d'elle-même pour clouer le bec de mon ami, qui apparemment se demandait encore si je me moquais de lui. Mais je ne sourirais pas et ne riais pas, ce qui devait suffir à lui prouver qu'en effet je ne plaisantais pas. Après tout pourquoi plaisanter sur ce genre de sujets qui fâchent, je n'en voyais pas l'intérêt. Je ne voulais pas me faire plaindre non plus. Le pauvre, on se parlait de nouveau depuis à peine quelques minutes et déjà il apprenait de mauvaises nouvelles, enfin mauvaises, celle-ci n'allait aps me tuer à vrai dire. La pire étant la lettre de Greyback, mais j'étais soulagée de constater qu'il n'avait rien envoyé de plus depuis. Je n'avais pas besoin d'une seconde lettre pour me terroriser davantage. Quand Chris me demanda pour quelle raison j'avais rompu avec Remus, je serrai les dents. La vraie raison n'avait jamais été divulguée, je n'avais jamais réellement compris, ou plutôt on ne me laissait pas le loisir de connaître toute la vérité, malheureusement. Je le savais, je m'en doutais, mais personne ne voulait me croire. J'avais l'impression d'être une folle dingue qui essayait de trouver des excuses à tous ses petits malheurs, des excuses parfois improbables. Mais j'avais toute ma tête. De ce fait j'avais décidé de tout garder pour moi. Je haussai les épaules pour lui faire comprendre que je n'avais pas vraiment envie d'en parler, surtout que me lancer dans ce genre de conversation dans la bibliothèque n'avait rien de sûr. Il s'excusa pour moi et j'affichai un petit sourire qui en disait long pour m'excuser à mon tour. C'est vrai qu'en ce moment, peu de monde pouvait m'approcher sans que je lance des regards noirs et des soupirs à tord et à travers. « Rassure toi, personne ne peut vraiment m'aider en ce moment. » Mais c'était mentir une fois de plus, en quelque sorte. Le pire...

C'est que Christopher avait vu juste, en plein dans le mile. Je rougissais d'un coup, mes joues ayant la même teinte qu'une tomate à peu de nuances près. Cela se voyait à ce point ? Pourtant si je souriais uniquement à chaque fois que je voyais Sirius, je m'en serais rendue compte quand même. J'avais presque envie de me cacher derrière mon livre à l'épaisse couverture. J'étais horriblement gênée, mais Chris me connaissait tellement bien maintenant qu'il était inutile de nier. « Je... Euh... » En plus il ajouta le fait que dans ces moments-là, j'étais mignonne et que j'avais la même attitude que lui lorsqu'il courrait après quelqu'un avec qui il avait fini d'ailleurs. Je me mordais la lèvre. « T'as peut-être raison... » murmurai-je tout bas. « Mais Sirius... C'est Sirius... ». Je tournai la tête, il devait bien y avoir des groupies de Black & Potter dans la bibliothèque. Je soupirai. « En quoi Sirius ira s'intéresser à une fille comme moi ? Je passe mon temps à pleurnicher, je ne suis pas jolie, je porte malheur et je ne souris presque plus. Je suis aussi triste qu'un gros nuage de pluie. » Je roulai des yeux, dépitée. J'adorais vraiment Sirius, mais je ne l'imaginais pas tomber amoureux de moi comme ça du jour au lendemain. Après tout, je n'étais rien de plus qu'une bonne amie, au passage, comme ça, certes parfois j'avais l'impression qu'il tenait beaucoup à moi. Mais j'étais aussi l'ex-petite amie de Remus, ce qui empêchait bien des choses. « Ça ne se fera pas, Chris, laisse tomber. Il y a des rêves que l'on ne peut pas espérer se réaliser, parfois. » Je souris d'un air triste. « Je suis... Je sais pas... Amoureuse, oui, peut-être... Je l'ai pas vu venir, je sais encore moins quoi faire, mais je ne peux pas lui dire, il ne faut pas qu'il le sache, promets moi de te taire ! D'accord ? » Je baissai la tête sur mon livre. « Il est trop bien pour moi de toute façon... » marmonnai-je.

En relevant la tête, je repensai à quelque chose. « Dis moi, tu saurais faire du polynectar, toi ? Ou tu sais qui peut en faire ? Je n'en veux pas, rassure toi, je voudrais juste... Enfin tu sais. Comme moi je suis nulle en potions. »

La situation m'aurait presque fait rire. Parler là, d'amours impossibles ou perdus alors que certains se morfondaient au fond d'une cellule. Pourtant, c'était peut-être une bonne chose au final, j'avais l'impression de ne pas parler assez, de ne pas assez dire les choses à ceux qui m'entouraient et voulaient me soutenir. Non pas que j'avais franchement l'envie d'étaler ma vie privée et mes états-d'âme à tout le monde, mais avec Chris je pouvais être sûre que cela n'allait pas s'ébruiter. Mais était-ce seulement suffisant pour éteindre toutes les possibles rumeurs et les potins ? Devais-je m'éloigner un peu de Sirius ou au contraire agir normalement ? Oui, être moi-même me paraissait la bonne solution. La seule chose qui m'embêtait un peu était de m'imaginer qu'il n'aurait plus vraiment de temps à m'accorder une fois James rentré. C'était normal, qu'il s'occupe de son meilleur ami, mais n'étais-je pas moi aussi son amie ? Je ne savais plus où donner de la tête. La seule chose dont j'étais sûre... C'était effectivement que je me sentais bien avec lui, et que l'amitié ne semblait presque plus suffisante. En effet, il était bien assez grand et intelligent pour juger de ce qui était bon pour lui ou pas, la preuve, il avait su dire non à sa famille quand il le fallait. Quant aux conséquences... On était tous là pour l'aider, même si son ego lui intimait qu'il saurait se débrouiller tout seul. « Tu crois que je devrais aller lui dire ? L'attraper à la fin d'un cours et lui dire « oh tiens, Sirius, il faut qu'on parle. Je suis sortie avec Remus, je sais, mais oh, je crois que tu m'as toujours plu et aujourd'hui je suis folle amoureuse de toi, oui, plus que tes groupies. » Non vraiment... Je ne pense pas que... J'en sais rien... Je pense pas avoir la force d'aller lui dire ce que je ressens. Je sais pas si c'est de la peur ou autre chose je suis juste... Si, je suis totalement effrayée. Ca peut... Je voudrais le serrer dans mes bras ou plutôt qu'il vienne me serrer dans ses bras, qu'il m'embrasse et me dise « t'en fais pas, je suis un Black avec moi tu risques rien ! » mais... J'imagine que ça peut attendre... Il s'est passé trop de choses, on doit régler beaucoup de problèmes... » Je soupirai. « Il n'est pas une machine il est... Sirius Black. Fidèle à lui-même, mais pas comme les gens l'imaginent. Moi maintenant je le connais vraiment bien... Je n'aime pas juste l'image qu'il donne, j'aime ce qu'il est vraiment. C'est quand il comprendra ça que... Peut-être je lui dirai. Quand avec toutes mes imperfections et mes secrets, je serai à la hauteur. »

Je tapotais la couverture de mon livre avec appréhension. Loins étaient les drames vus comme dans les histoires ou les films, quand un grand malheur rapproche le héros et la future femme de sa vie. Et il y avait déjà bien assez de mal dans ce monde sans qu'on ait besoin d'en rajouter. J'étais soulagée de voir que le sujet changeait, enfin, soulagée... J'adorais parler de Sirius, mais je ne voulais pas m'étaler davantage. Ainsi donc, Rogue était susceptible de faire du polynectar... Ca ne m'apportait pas beaucoup de preuves puisque Chris avouait que les ingrédients nécessitaient d'être volés dans la réserve de Slughorn en personne. Qui à part les Maraudeurs eux-même iraient prendre un tel risque ? Rogue était un pro-mangemort dans toute sa splendeur, mais je ne l'imaginais pas assez bête pour courir le risque, c'était un sale peureux qui j'imagine, n'aurait jamais voulu se mettre à dos le professeur de sa matière préférée. Chris lui, de ce que j'avais compris, en avait déjà fait, donc il avait déjà touché à ses ingrédients. Dans ce cas-là, quelqu'un aurait pu lui en voler, parmi les Poufsouffles... Tout ça devenait clairement insensé. Ou alors celui qui avait envoyé James en prison avait effectivement reçu une aide extérieure. Mais pour faire d'une pierre deux coups Maewan et James, qui les détestait tous les deux assez pour s'en prendre à eux ? Ou qui en était assez proche... ? Pas Velrose, ce crétin était tellement anti-mangemort que le simple fait d'effleurer le sujet le mettait dans tous ses états. Quelqu'un de faux... J'étais perdue. « Oh, pour rien... C'est que j'ai besoin de m'améliorer en potions si je veux avoir toutes mes chances d'avoir une note optimale aux Aspics. Je pense avoir trouvé ma voie du côté du ministère... Mais pour ça il me faut de très très bonnes notes. Avoir sa place au magenmagot n'est pas vraiment facile, tu sais. » Même quand on a Julien David de son côté d'ailleurs, mais ça c'est une autre histoire.