« Tu veux entendre un bon tour, Peeves ?»
L’esprit frappeur s’était posté dans un couloir du cinquième étage et refusait de laisser passer les élèves. Il les attaquait à coups de bombabouses de craies, de divers projectiles, et il riait comme un fou en voyant les collégiens rebrousser chemin. Rusard est bien intervenu, et l’esprit a quitté le couloir, mais ce fut pour en bloquer un autre, pour revenir ensuite au premier !

Grâce au formidable bouche à oreille régnant dans le collège, les élèves s’étaient passé le mot et faisaient un détour. Lorsque Peeves s’apercevrait que personne ne passait plus, il se lasserait et partirait de lui-même.

De ce fait, rares étaient les fous se risquant à approcher du couloir peevesien. Il fallait soit n’avoir aucun ami pour le prévenir, soit être James Potter.

Le gryffondor s’étant aventuré dans le couloir désert du cinquième étage appartenait à la seconde catégorie, pourtant très sélective, avouons-le.

Potter savait pertinemment que le plaisantin ectoplasme était là, prêt à le bombarder sans pitié. Mais il savait aussi quel était le péché mignon de l’esprit : les bonnes blagues. Les maraudeurs avaient déjà eu des problèmes face à Peeves, mais ils s’en étaient toujours sortis grâce aux récits de leurs méfaits. Et ça tombe bien, parce que le rouge-et-or en avait une bien bonne à raconter.

Il observa l’esprit frappeur et avança, l’air de rien. L’esprit l’avait vu et l’accueillait par des quolibets et autres moqueries, il attendait que l’adolescent soit à sa portée pour le bombarder : pourquoi se fatiguer d’aller à sa rencontre alors que la cible noire et rouge se déplaçait d’elle-même ?

A une distance raisonnable des bombabouses, l’adolescent lui lança la phrase qui devait sauver ses vêtements et sa dignité.

« Tu veux entendre un bon tour, Peeves ? »

Intéressé, l’ectoplasme daigna se rapprocher.

« Oooooh. Mon pote Potter a des choses à raconter ? De bonnes blagues à son ami Peeves ? »

« Tu ne sais pas encore à quel point. » lui promit l’adolescent. « Faisons un marché, je te raconte mon histoire. Si tu me trouves ennuyeux, tu pourras me bombarder de ce que tu voudras. Mais si tu ries, tu auras perdu et tu devras partir d’ici. »

Un défi ? Une blague ? « you laugh, you lose », Peeves connaissait ce jeu et se faisait avoir à chaque fois. Cependant, il ne pouvait résister à la curiosité, et Potter ne l’avait jamais déçu.

« Raconte, raconte ! »

James sourit. Il était sûr de son histoire. Il lui raconta comment il avait confectionné des boules puantes grâce à une vieille recette, les idées qu’il avait eus pour les installer sur la table des serpentards, voire dans leur salle commune, puis qu’il eut l’idée d’en mettre une dans le sac d’Elisabeth Moses.

« Ça sentait tellement mauvais qu’elle courait, elle courait, mais elle ne pouvait pas aller plus vite que l’odeur. Alors, elle a dû se débarrasser de son sac, et tous ceux qui l’approchaient s’enfuyaient à leur tour. Je n’espérais plus qu’une chose : qu’elle aille dans sa salle commune empester tous ses condisciples ! »

Il éclata de rire à cette pensée et Peeves en fit autant. Ils se réjouirent quelque temps du malheur des serpentards, jusqu’à ce que Potter annonça à Peeves qu’il avait perdu.

« Tu n’es pas un de ces idiots de serpentards, mais tu as ri. Tu as encore perdu, Peeves. Mais avoue que tu ne le regrettes pas. »

Toujours en riant, l’esprit reconnaissait que Potter avait gagné haut la main et après s’être promis de se revoir pour se raconter de nouveau des farces, Peeves alla hanter un autre coin.

« Et n’oublie pas d’harceler le plus de serpentards possibles ! » lança le gryffondor à l’esprit frappeur.

Le couloir était maintenant libéré. Potter ramassa son sac pour reprendre son chemin.

« Ahlàlà. Elle l’avait bien cherché quand même, cette pauvre serpentarde. » déclara Potter en se penchant pour prendre son sac.

Il fut attiré par une petite voix qui sembla lui répondre.

Dans la bibliothèque, assise sur un siège un peu à l'écart des autres, Meena venait de terminer un livre relatant l'histoire d'un sorcier dénommé Boris Le Hagard. Une petite note à la fin du livre précisait qu'une statue était dressée à son éffigie à l'entrée de la salle de bain des préfets, au cinquième étage de Poudlard.
La jeune fille, curieuse, décida donc de monter un étage plus haut afin d'examiner la fameuse statue.

*Ça doit être amusant de voir une statue de quelqu'un qui porte ses gants à l'envers!*

Elle rassembla donc ses affaires et se dirigea en direction du cinquième étage.
Les couloirs étaient étrangement déserts, Meena ne croisa personne sur son chemin. Cela l'inquiétait légèrement. Peut-être que le cinquième étage était exceptionnellement interdit d'accès aujourd'hui et qu'elle n'en était pas au courant? Elle pensa directement aux dernières agressions contre d'autres élèves de Serdaigle et prit peur.

Au moment où elle songeait à faire demi-tour, elle fut interpellée par des voix venant d'un couloir voisin à celui dans lequel elle se trouvait. Elle s'en rapprocha alors lentement, en tentant de faire le moins de bruit possible et s'arrêta à l'endroit où les deux couloirs se joignaient, formant un angle droit.
Bien cachée derrière le mur, elle pencha discrètement sa tête pour tenter d'apercevoir les personnes qui se trouvaient là.

Elle reconnut directement Peeves, l'esprit frappeur. Il était visiblement en grande conversation avec un garçon portant les couleurs de gryffondor, plutôt grand, arborant des cheveux noirs et ébouriffés. Meena se souvint alors l'avoir déjà vu aux côtés du garçon qui l'avait, il y a quelques temps, invité à boire un jus de citrouille.
Intriguée, la jeune fille décida de rester cachée derrière le mur afin d'écouter leur conversation. C'était tellement rare de voir Peeves bavarder, il avait plutôt pour habitude d'embêter le moindre passant.

Le garçon de gryffondor se vantait d'une farce qu'il avait fait à une élève de serpentard, une certaine Elisabeth Moses.

Une fois son récit terminé, les deux interlocuteurs pouffèrent de rire.
Ce garçon avait visiblement décidé de faire cette farce parce que la fille en question était une serpentard. Ce détail choquait Meena, qui considérait que tout le monde était porteur de bonnes intentions, Serpendard ou non. Elle imaginait la détresse de cette pauvre Elisabeth quand elle avait réalisé qu'elle était en train de se faire humilier.

Peeves s'en allait vers l'autre bout du couloir quand le garçon aux cheveux ébouriffés se félicita une dernière fois de sa blague:

« Ahlàlà. Elle l’avait bien cherché quand même, cette pauvre serpentarde. »

Il se pencha ensuite pour récupérer son sac.
Meena, comme pétrifiée, ne savait plus si elle devait s'enfuir en courant vers son dortoir ou dire ce qu'elle pensait à ce stupide garçon.
Elle ferma les yeux, inspira une bonne bouffée d'oxygène et, sans se montrer aux yeux du garçon, dit d'une voix timide:

« Je suis sûre qu'elle ne méritait pas d'être traitée avec autant de bassesse. »

Pas de doute, une voix avait répliqué à la réflexion du gryffondor. Il leva les yeux mais ne vit rien là où la voix s’était fait entendre. Se pouvait-il que la propriétaire de la jolie voix soit derrière le mur ? Elle n’était quand même pas invisible ! James était bien placé pour savoir que c’était possible, grâce à une cape d’invisibilité, mais à sa connaissance, il n’y en avait pas d’autres que la sienne à Poudlard. Il crut voir une ombre et comprit que la fille se cachait bien derrière le mur, à l’angle.

« Qui es-tu ? » demanda-t-il. Puis, il se disait que si elle ne s’était pas montrée, il y avait une bonne raison. Timidité ? Peur de Peeves ? Peur de lui ? Peu importe, il ne pouvait laisser dire ce qu’il considérait comme une stupidité.

« Garde l’anonymat si ça te chante, mais tu ne sais rien à rien pour oser dire ça. » répondit-il en finissant de ramasser ses affaires.

L’ombre prouvait qu’elle n’avait pas bougé. Attendait-elle que Potter passe son chemin ? Oh que non, elle avait réussi à l’intriguer en refusant de se montrer. Il s’approcha en longeant le mur, tout en surveillant l’ombre pour vérifier qu’elle était bien là, et qu’il ne parlait pas dans le vide.

« D’abord, à moins que tu connaisses Moses, tu saurais qu’elle méritait cette petite blague, et que certains de ses condisciples méritent bien plus. Vole-Pas-Fort se réclame de Salazar Serpentard et il a été dans cette maison sans aucun doute. Tous les mages noirs anglais ont été à Serpentard, je dis bien tous. Les serpentards n’ont pas été choisis pour leur courage, leur loyauté ou leur intelligence, ils ont été choisis pour un défaut : l’ambition, la volonté d’écraser les autres pour parvenir à leurs fins. Rajoute à cela qu’ils se croient supérieurs, des Sang-Purs, aux pouvoirs magiques plus puissants que les autres, non pas par leur pratique de la magie, mais leur naissance consanguine. Et je suis bien placé pour en parler, je suis moi-même considéré par eux comme un sang-Pur. Contrairement à toi, je sais de quoi je parle. Voilà qui sont les serpentards. Voilà en partie comment est Moses. Et tu trouves que ce que je fais est bas ? »

L’adolescent s’est rapproché de l’angle du mur, tout en s’y collant. Il regardait droit devant lui, prenant pour partie de ne pas franchir la courte distance qui le séparait de la jeune fille.

« Je parie que tu n’es ni à serpentard, ni à Gryffondor. En fait, je suis convaincu que tu es à Poufsouffle. Ta voix n’a pas tout à fait mué, je dirais que tu es en troisième année, quatrième grand maximum. Alors écoute ton aîné, ma petite : il n’y a rien à sauver chez les serpentards. Tous ne finissent pas mages noirs, heureusement, Slughorn est là pour le prouver, mais aucun n’est bon. C’est l’ambition qui les domine. Et quelqu’un qui, comme toi, a été choisie pour sa loyauté et sa gentillesse, ne peut pas comprendre ces choses. Mais vu les temps qui courent, je te conseille d’ouvrir les yeux avant que les mangemorts ne te les brûlent »

Il y eut un temps. Potter hésitait. Non pas qu’il pensait sauter pour franchir la distance, surgir de l’autre côté du mur et savoir enfin à qui il parlait mais il finissait par se demander si Moses avait réellement mérité des jugements aussi hâtifs. Ne venait-il pas de dire que tous les serpentards ne finissaient pas mages noirs ? Sirius ne lui avait-il pas parlé de sa tante Andromeda, ancienne serpentarde en opposition avec la famille Black ? Et si le choixpeau se trompait ? Comment James aurait-il réagi si Lily avait été à Serpentard rejoindre son ami l’infâme Servilus?

"Tu m'as vu, et moi je ne sais pas à quoi tu ressembles. C'est un poil injuste, non ? Si tu veux rester comme ça, pas de problème, je ne chercherais pas à savoir qui tu es. Mais si tu voulais bien faire quelques pas, j'avoue que je préfèrerais."

En fait, Potter ne savait pas très bien ce qu'il désirait. Cette fille mystérieuse, c'était pas mal aussi. Mais il était curieux et, naturellement, il brûlait de lui dire, triomphant, avec sa modestie habituelle : "ah, tu vois, j'avais deviné que tu étais une Poufsouffle de troisième année ! C'est ça l'expérience. Je t'expliquerai comment on fait."

Tout son corps tremblait à présent et ses jambes frêles menaçaient de s'écrouler d'un instant à l'autre. Le garçon n'arrêtait pas de parler, mais elle n'entendait quasiment rien tellement elle était concentrée sur sa respiration, qu'elle tentait tant bien que mal de calmer.
Jamais de sa vie elle n'avait osé se mettre dans une telle situation. Jamais elle n'avait osé dire ainsi tout haut ce qu'elle pensait tout bas et il avait fallu que ce soit à un étranger, qui en plus de cela semblait être véritablement stupide et on ne peut plus sûr de lui.

Elle tenta tant bien que mal de se concentrer sur les paroles du jeune garçon, mais impossible, elle n'arrivait qu'à entendre quelques bribes de phrases décousues qu'elle percevait comme un écho dans sa tête, qui d'ailleurs commençait à lui faire atrocement mal.

« .. tu n’es ni à serpentard, ni à Gryffondor... tu es à Poufsouffle... ta voix n’a pas tout à fait mué... je te conseille d’ouvrir les yeux avant que les mangemorts ne te les brûlent »

Elle n'arrivait pas à recomposer les phrases dans sa tête, bien qu'elle les entendait, elle était bien trop paniquée pour pouvoir les écouter calmement. Qui plus est, le garçon semblait l'insulter, ou du moins tenter de l'impressionner, ce qui amplifiait les pulsations de son coeur et les tremblements de ses jambes.
Meena ressentit même l'envie soudaine de fondre en larmes. Qu'avait-elle fait pour se retrouver dans une telle situation ? Elle qui pourtant ne voulait que le bien de tous et qui était absolument incapable de faire le moindre mal !

Elle entrouvrit la bouche et était sur le point de lui répondre quelque chose, n'importe quoi, pourvu qu'il la laisse tranquille et qu'elle puisse retourner se morfondre dans sa solitude, mais elle réalisa qu'il était toujours en train de parler :

« ... si tu voulais bien faire quelques pas, j'avoue que je préfèrerais. »

Et plus rien. Il se tut complètement. Il attendait visiblement qu'elle sorte de l'ombre et se présente à lui.

Une multitude de pensées et de peurs traversèrent alors son esprit. Elle aurait voulu pouvoir partir en courant le plus rapidement possible pour échapper à ce face-à-face, mais ses jambes le lui empêcheraient certainement et elle n'osait pas imaginer la situation si elle se retrouvait couchée sur le sol froid du couloir.
Elle n'avait donc pas le choix, elle devait affronter la situation dans laquelle elle s'était mise toute seule. Il fallait qu'elle apprenne à adresser la parole aux autres, certes, mais pourquoi avait-il fallu que cela se produise sous la forme d'un conflit ? Cette situation tellement banale pour d'autres était en train de lui faire perdre tous ses moyens. Elle ne cessait de se répéter qu'il fallait qu'elle réussisse à calmer le jeu. Après tout, elle ne connaissait pas ce garçon et il avait raison de se rebeller contre elle puisqu'elle se mêlait de choses qui ne la regardaient pas.

Elle avala sa salive nerveusement et inspira bien fort. Il fallait qu'elle ouvre la bouche, il fallait qu'elle parle, il n'y avait aucune autre échappatoire.
Le garçon était toujours là, à moins d'un mètre d'elle et il attendait, silencieusement, calmement, qu'elle daigne parler. Elle frissonna à cette pensée... puis ouvrit finalement la bouche :

« Je... je m'app...m'appelle Meena. »

Au même moment, elle avança légèrement pour se retrouver nez à nez avec le garçon, qui la dépassait d'une tête au moins et la dévisageait à présent avec une onde de surprise et même de choc dans les yeux.
Il y eut quelques secondes de silence, ou peut-être moins, elle ne s'en rendait pas bien compte, avant qu'elle n'articule :

« Je suis désolée... je... euh... je ne voulais pas vous écouter... mais je, euh... je vous ai entendu parler et euh... quand tu as parlé de cette fille j'ai... je... enfin... ça m'a un peu choquée... désolée... »

Ses jambes tremblaient plus que jamais. Elle était maintenant réellement sur le point de s'écrouler. Mais elle se sentait également plus légère et ce sentiment s'intensifia quand elle entendit la réponse du charmant gryffondor...

Après son discours enflammé, et sa demande pour qu’il la voie, le gryffondor attendit que celle qu’il considérait comme une morveuse, sûre de ses décisions comme toute adolescente de treize ans, réagisse et lui réponde. Un discours entraînait un discours. Un débat d’idées rapide mais argumenté où Potter l’écouterait puis démontrerait à cette supposée Poufsouffle qu’il avait eu parfaitement raison d’agir ainsi. Elle se rangerait à ses idées et l’aiderait peut-être même à une prochaine blague anti-serpentard. Oui, tout devait se passer ainsi, l’animagus – qui n’avait pas le cerf comme emblème pour rien vu à quel point il était sûr de lui, têtu et fier – en était persuadé.

Première surprise, la voix se présenta, et d’une manière mal assurée. Et encore, c’était un euphémisme. Il ne lui avait pas demandé son nom, et Potter ne s’était pas présenté non plus. Cela l’interloqua un moment. Pourquoi était-elle aussi tremblante ? Et puis, ce prénom ne lui disait strictement rien.
*Meena… Meena… serait-ce Meena-la-Minable ? Celle qui ne parle pas, et qui veut tellement faire partie du décor qu’elle se peindrait couleur pierre si elle en avait le droit ? C’est ce que sort certains camarades.*

Il y eut, l’année dernière, un petit concours de vannes pour Meena-la-Minable, que certains raccourcissaient en Meena-Bleue, en référence à la couleur bleue des serdaigles. Potter y avait même participé, sans la connaître ni même savoir à quoi elle ressemblait. Il se souvenait de dix de ses trouvailles, que ses camarades devaient sûrement ressortir à l’occasion :

- Lorsque Meena-Bleue veut prendre une plume, il en sort de l’encre invisible.
- Lorsqu’un mur a un trou, on y installe Meena-Bleue pour le combler.
- Un jour, Mimi et Meena-Bleue se sont affrontés à un concours de transparence. La perdante devait aller nettoyer les toilettes des filles.
- Binn’s ennuie les collégiens. Meena-Bleue ennuie Binn’s.
- Meena-Bleue est la seule fille capable d’entrer dans le dortoir des garçons. Les escaliers ne la détectent pas. Pas de chance, les garçons non plus…
- Serdaigle a deux fantômes pour sa maison : la dame grise et Meena-Bleue. Quoique, pour la dame grise, j’ai des doutes.
- Peeves lance tous les objets qu’il voit. Un jour, il a donc lancé Meena-Bleue.
- Meena-Bleue ne craint rien dans la Forêt interdite. Les centaures ne s’attaquent jamais aux arbres.
- Dans les échecs sorciers, Meena-Bleue ne peut pas être reine. Ni un pion, ça bouge trop ! Elle joue l’échiquier.
- Quel est la différence entre Meena-Bleue et un vampire ? Aucun, ni l’un ni l’autre ne se reflètent dans un miroir.

A bien y réfléchir, c’était stupide de dire autant de méchancetés sur une personne inconnue, mais encore une fois, ce n’était que des blagues, qu’il jugeait parfaitement innocentes et même très drôles. Il s’était basé sur la façon dont on la décrivait et ne s’était jamais posé la question sur l’impact que cela pouvait avoir. A vrai dire, à chacune de ses blagues, il ne réfléchissait jamais à l’impact sur sa victime…

*Oui, bon, mais si ça se trouve c’est une autre personne. Il y a peut-être plusieurs Meena, après tout.* pensa-t-il pour soulager un peu sa conscience.
La jeune fille avança légèrement pour se trouver face à face avec le garçon, qui la dévisageait à présent avec une onde surprise et même de choc dans les yeux. C’était bien elle ! Quelle probabilité y avait-il pour qu’une Meena, serdaigle et blonde d'à peu près l'âge de James, ne soit pas la Meena-Bleue qu’on lui avait décrit ? lui qui prétendait que son interlocutrice était une Poufsouffle à peine formée, non seulement il s’était trompé sur toute la ligne, mais en plus il se trouvait nez à nez avec une de ses victimes, qui semblait n’en mener pas large, et qui poussait le déshonneur du garçon jusqu’à s’excuser. S’il y avait un balai dans le coin, Potter se serait frappé avec, de toutes ses forces.

*Par toutes les vannes du monde connu !* se dit-il.
Un vague sentiment, plus ou moins inconnu jusqu’alors, envahit le garçon à une vitesse fulgurante. Il le sentit monter comme une vague irrésistible avant de s’arrêter à sa gorge pour l’étouffer.

Le remords.

C’était ELLE, la fille dont il s’était tant moqué l’année dernière ? C’était cette jolie blonde toute timide et gentille, qui semblait avoir tant de mal à parler, si complexée, si solitaire manifestement, et qu’on n’avait probablement pas prévenu de la présence de Peeves, ce qui expliquerait sa présence ici ? Ou pire : lui a-t-on conseillé ce couloir pour lui faire une blague ? Quelqu’un avec la même mentalité que James ?
Le remords avait à présent desserré la gorge du glorieux capitaine de quidditch pour choisir de lui serrer l’estomac.

La fille tremblait des jambes. *Bon sang, c’est la tête de turc, et j’en suis en partie responsable, alors qu’elle ne semble avoir fait de mal à personne.*

Elisabeth Moses non plus n’avait fait de mal à personne… Le remords le lui rappela immédiatement.

Il fallait la rassurer. Potter ne pouvait pas en rester là. Affreusement gêné de son énorme bêtise, il se décoiffa de son geste habituel qui fait craquer tant de filles, en affirmant :

« Euh… non, ce n’est rien…. Tu avais raison. Je… je suis parfois un parfait crétin, il est bon qu’on me le rappelle de temps en temps. Enchanté, Meena-B… Meena. Je suis James. James Potter. Excuse… Excuse-moi si je me suis un peu emporté, ce n’était pas contre toi. »

Le seul geste qu’il lui vint à l’esprit pour lui montrer qu’il ne lui en voulait pas du tout fut de lui tendre spontanément la main. Meena méritait de la lui tordre en clef de bras, ou de la refuser en lui crachant dessus, mais elle ne semblait pas du tout être ce genre de fille.

« Et tu avais peut-être raison pour Moses. Mais il va falloir que tu m’expliques pourquoi tu es si sûre qu’elle ne le méritait pas. On fait un bout de chemin ensemble ? »

Il lui désigna le couloir vide.

« Je suppose que tu n’es pas venue jusqu’ici pour la beauté du paysage ? Moi non plus, figure-toi. On discute en avançant ? »

Petit à petit, la sensation de panique qui l'avait paralysée jusque là s'estompait. Elle commençait à reprendre son souffle et ses jambes étaient plus stables. Elle se sentait cependant un brin honteuse. Il fallait bien avouer que ce garçon n'était pas sans charme. Il avait une de ces manières de se passer la main dans les cheveux qui fit presque rougir la jeune fille, qui n'était pas du tout habituée à se retrouver en face d'un beau garçon et encore moins quand celui-ci la fixait du regard. Il était beau, certes, mais Meena n'était pas du tout attirée par lui. C'était le genre de garçon qui devait en permanence être entourée de filles toutes plus déterminées les unes que les autres à lui démontrer leur perfection. Meena avait passé beaucoup de temps à observer les comportements des filles envers les garçons. Mais cela restait malgré tout étranger pour elle, car jamais personne ne la remarquait et encore moins les garçons. Néanmoins, celui-ci semblait vraiment s'en vouloir.

Effectivement, il s'était emporté. Meena ne se souvenait pas vraiment de tout ce qu'il avait dit, mais en fait, elle s'en fichait un peu. Elle se surprit même à ressentir de la joie. C'était une de ses premières véritables interactions avec un
autre élève de Poudlard. Elle voulait à présent essayer d'en profiter, pourquoi ne pas essayer de lier une amitié ! Ce garçon devait sûrement être entouré d'une horde d'amis auxquels il pourrait la présenter ! Ainsi, elle aussi aurait le
droit à tous ces moments chaleureux d'échanges humains, de bonheur et d'amitié !

D'un air spontané, il lui tendit la main. À ce moment précis, le coeur de Meena fit un bond dans sa poitrine. Qu'attendait-il maintenant ? Qu'elle attrape sa main et la serre chaleureusement ? Tout cela avait un goût d'aventure pour la jeune fille, tout était nouveau et défilait à grande vitesse dans sa tête. Elle se voyait déjà entourée, elle aussi, de plusieurs élèves qui l'estimaient et la faisaient rire.

Mais un pincement bref dans son estomac la rappela à l'ordre. Elle avait tendance à s'emballer, c'est vrai. Son imagination débordante la portait souvent bien plus loin qu'elle ne pouvait aller. Elle se concentra à nouveau sur le moment présent et tendit sa main droite au gryffondor, qui la serra chaleureusement et l'invitait maintenant à se joindre à lui pour... discuter. Il voulait qu'elle lui explique pourquoi cette fameuse Elisabeth n'avait, selon elle, pas mérité d'être traitée comme elle l'avait été.
Meena, soudainement à court d'arguments, se remis à paniquer brièvement.

*Bien joué ! Et qu'est-ce que je vais lui dire moi maintenant !*

Elle repensa à la raison pour laquelle elle avait décidé de répondre au vilain garçon. Il avait en effet joué un mauvais tour à une pauvre fille sous prétexte qu'elle appartenait à la maison Serpentard. S'en était suivi un discours indiquant qu'il méprisait toute personne se trouvant dans cette maison.
Meena était d'accord pour dire que la quasi-totalité des sorciers sortant de Poudlard après avoir été à Serpentard avait mal tourné, mais elle ne pouvait concevoir cela comme une raison de leur rendre la vie impossible. Après tout, pour l'instant, ils n'étaient encore que des élèves et n'avaient rien fait de mal.

Il connaissait maintenant le son de sa voix alors se fut moins difficile pour elle de prendre la parole :

« Je peux comprendre que tu méprises les Serpentards, c'est vrai que presque tous une fois sortie de Poudlard vont certainement défendre les forces obscures. Mais... penses-tu vraiment que ce soit une raison pour mettre des boules puantes dans le sac d'une pauvre fille qui pour l'instant n'a rien à voir avec les mages noirs ? Je veux dire, euh... enfin, je pense que tu pourrais utiliser ton temps de manière plus utile. Je ne vois pas trop la finalité de ce genre de blagues, en fait. »

Elle s'arrêta de parler quelques secondes après que son regard se soit posé sur une statue, un peu plus loin devant eux.

C'était lui, Boris Le Hagard. La raison pour laquelle tout cela était en train de se passer, c'est qu'elle avait voulu voir cette fichue statue !

« Tu vois cette statue là-bas ? Je lisais un livre plus tôt, à la bibliothèque. Ça retraçait la vie de ce sorcier, Boris Le Hagard. Je voulais monter jusqu'ici pour observer sa statue et c'est à ce moment-là que je t'ai entendu parler avec Peeves. D'ailleurs, qu'est-ce que tu faisais avec lui ? C'est plutôt étrange de le voir adresser la parole à quelqu'un. D'habitude, il ennui tout le monde. »

La panique était maintenant tombée dans l'oubli. Peut-être gisait-elle intacte au pied de l'angle mural près duquel ils se trouvaient quelques instants plus tôt. Meena avançait maintenant, sereine, près de ce garçon aux cheveux décoiffés et elle ne s'était jamais sentie aussi vivante à Poudlard.

Potter avait remarqué que la jeune fille avait hésité avant de lui serrer la main. Normal, n’avait-il pas prouvé il n’y a pas cinq minutes qu’il était un imbécile ? Et encore, elle ignorait sûrement à quel point. Si elle savait que Potter avait inventé des vannes sur elle, elle lui aurait craché au visage, le trouvant gonflé d’oser lui tendre la main. En tout cas, c’est comme ça que le gryffondor aurait réagi.

*La plupart des gens sont plus gentils que moi. Heureusement pour moi !*

Pas plus tard que l’année dernière, il s’en serait moqué ! Mais à seize ans et demi, majeur dans trois mois, le garçon commençait lentement à évoluer et à grandir. Lentement, hein, il restait un grand gamin adepte de mauvaises blagues parfois cruelles, et avec un grand mépris pour les règlements. Mais il était en période de transition, et même lui commençait à s’en rendre compte.

Meena, que Potter ne pouvait s’empêcher d’appeler Meena-Bleue dans sa tête tant il était habitué à cette dénomination dont il essayait tant bien que mal d’extirper de son esprit, hésita également avant de marcher avec le gryffondor. N’avait-elle pas envie d’être vue en sa compagnie ?
*Aucun risque, personne ne viendra dans ce couloir avant un bon moment. *

Comment réagirait les camarades en le voyant avec Meena ? Il pensa l’espace d’une seconde à sa réputation avant de se dire que de toute façon, si on lui pardonnait tous les points qu’il faisait perdre à sa maison, ce n’était pas la compagnie de la bizarre et asociale Meena qui allait choquer. Ne l’avait-on pas vu sortir avec Jane Granger ? C’était bien pire !

*Et surtout, quand on est l’ami d’un loup-garou, on se fiche royalement de ce que pense les autres !*

Potter est un têtu, un vrai, un cornu. Il avait accepté Peter Pettigrow comme ami dès sa première année, il était resté le meilleur ami de Remus en troisième année malgré la découverte de son petit problème de fourrure. Meena-bleue était certes une sorte de tête de turc généralisée à l’ensemble de l’école, mais à partir du moment où James Potter se mettait en tête de la protéger ou au minimum, d’avoir une conversation normale avec elle, il ne tolèrerait plus longtemps les blagues sur la jeune fille. Mauvais garçon, ennemi acharné, il était cependant très fidèle avec ses amis.

Pour l’instant, il se sentait surtout honteux et coupable, mais il tentait de ne rien en laisser paraître. Il s’était déjà excusé, ce qui était un exploit en soi, mais il n’était pas du genre à s’auto-flageller. Il écouta la réponse de sa camarade bleue-et-bronze tout en avançant. Sur le fond, elle avait raison, mais il tenta tout de même de se justifier :
« Tu ne sais pas si elle n’a rien à voir avec les mages noirs. Tu serais étonnée du nombre de serpentards qui pratiquent la magie noire en cachette, qui ont déjà leurs parents chez les mangemorts ; Tiens, leur préfet-en-chef, par exemple : Adamovitch. Son père a été tué par des aurors, il était mangemort. Severus Rogue pratique la magie noire, je l’ai déjà vu faire. Findell a une mère vélane qui, selon les rumeurs, a fait tuer l’épouse du ministre français pour pouvoir l’épouser. Ne parlons pas de Regulus, respectant la devise des Blacks : toujours pur ! Et la liste est longue : Rosier, Avery… Moses n’est pas innocente, simplement elle le cache mieux que les autres. Qu’est-ce que des boules puantes par rapport aux sorts impardonnables qu’elle lancera dans deux-trois ans, quand elle aura grossi les rangs de leur maître ? »
Virtanen lui posa une question de serdaigle : la finalité de ces blagues ? Il avait envie de répondre : « aucune, sinon rire des autres », mais cela lui faisait trop penser aux quolibets qu’elle devait subir. Il transforma donc sa réponse :
« Ma finalité, c’est de leur montrer que je m’oppose à eux, mais que contrairement à leur violence gratuite et stupide, mes farces sont gratuites, stupides, ET drôles ! J’aime les faire tomber de leur piédestal et leur rappeler qu’ils sont des humains comme les autres et non des surhommes choisis par leur maître pour purifier la Terre. »

La bleue-et-bronze s’arrêta devant une statue. A part pour les passages secrets, Potter ne faisait pas trop attention aux statues. Boris le Hagard ? il ne connaissait pas.
« Et il a fait quoi, Boris le Hagard ? » demanda-t-il par politesse plus que par curiosité. L’Histoire de la Magie était une des matières les plus ennuyantes du monde.

Virtanen était surpris que Peeves et lui aient pu parler. Le gryffondor allait lui répondre qu’il était capable de parler avec tout le monde, et même un ectoplasme, mais encore une fois, il se rappela de l’une de ses vannes « Meena-Bleue » et s’abstint.

« D’habitude, oui, mais Peeves aime une chose plus que tout : le chaos. Alors, quand mes copains et moi faisons une bonne grosse blague, il adore ! Le deal est simple : on la lui raconte, il nous laisse provisoirement. »
A propos de Peeves, le populaire adolescent voulait avoir le cœur net. Ne l’avait-on pas prévenue de la présence de l’esprit frappeur ?
« Et toi, comment se fait-il que tu t’engageais dans le couloir pour cette simple statue ? Tu n’as donc pas entendu que Peeves traînait dans le coin ? » Puis il lui adressa un clin d’œil complice avant de demander : « Quelle est ta finalité, à toi ? »

Le garçon venait de semer le doute dans l'esprit de Meena.

*Après tout, peut-être qu'il a raison. Peut-être que les serpentards ne sont que des élèves destinés à servir le mal ?*

Mais quand elle lui demanda qu'elle était sa finalité, le doute s'estompa rapidement.

*S'il voulait vraiment montrer qu'il s'oppose à eux, il utiliserait d'autres moyens plus efficaces que de se faire passer pour un plaisantin !*

Meena n'avait pas cessé de regarder la statue durant tout le discours du gryffondor et le voilà qui lui demandait ce qu'avait fait ce fameux Boris Le Hagard.
Elle se remit à penser un instant.

*Comment peut-il ne pas connaître Boris Le Hagard ! C'est l'un des sorciers dont notre professeur d'histoire nous a le plus parlé en troisième année !*

Mais elle n'eut pas le temps de répliquer. James n'aimait visiblement pas les silences et ne laissait pas le temps à Meena de préparer ses réponses. Il ne s'intéressait visiblement pas non plus à Boris Le Hagard puisqu'il lui parlait à présent de Peeves.
Il semblait que ce dernier était habitué aux blagues stupides du gryffondor, peut-être même qu'ils élaboraient des blagues sordides ensemble.

*Peut-être ont-ils déjà songé à m'en faire une, de blague !*

La méfiance de la jeune fille refit surface. Elle ne connaissait pas ce garçon après tout. Elle se trouvait à présent dans un couloir vide de monde à ses côtés ; qui pouvait lui garantir qu'il ne s'apprêtait pas à lui glisser une de ses boules puantes dans son sac ?
Elle serra ce dernier contre elle et leva le regard vers le jeune homme qui la regardait à présent. Il lui fit un clin d'œil qui ne la rassura pas.

Meena pris soudain conscience que, certes, elle était invisible dans le sens ou personne ne venait jamais vers elle, mais cela n'empêchait pas les autres de la voir. Peut-être même que ce garçon avait déjà eu l'occasion de se moquer d'elle.
Peut-être que les autres la trouvaient bizarre et c'était la raison pour laquelle, après cinq années passées à Poudlard, personne ne venait plus la voir.
La raison pour laquelle on la bousculait dans les couloirs comme si elle était physiquement invisible.
La raison pour laquelle toutes ces filles à qui elle adressait un sourire timide détournaient vivement le regard.
Et surtout, la raison pour laquelle elle s'était retrouvée dans ce couloir. Tout le monde savait que Peeves s'y trouvait, prêt à embusquer, et personne ne l'avait prévenue.
Une immense tristesse l'envahit soudain. Des larmes embuèrent son regard. Comment avait-elle put être aussi aveugle ? Jamais elle n'avait imaginé ce scénario. Elle pensait au contraire que les gens respectaient sa solitude en se disant "elle veut être seule ? Et bien, laissons-là seule". Jamais elle n'avait pu s'imaginer qu'au contraire, ils pourraient lui souhaiter du mal ou se moquer d'elle.
Elle voulu en avoir le coeur net et, ignorant les ultimes questions de son partenaire, demanda :

« Les autres ne m'ont pas prévenue de la présence de Peeves pour que tu puisses me faire une sale blague, n'est-ce pas ? »

Une larme se mit à rouler le long de sa joue. Elle ne le laissa pas répondre et poursuivit :

« Ce n'est pas parce que je suis toujours seule et que je ne parle pas que je suis inhumaine. Moi aussi... moi aussi j'aimerais avoir des amis... mais... »

L'émotion était trop forte. Elle n'arrivait plus à contenir ses larmes. Mais que diable si elle était ridicule, après tout, rien ne pouvait être pire que toutes les atrocités que ce stupide garçon avait certainement pensé à son sujet. Rien ne pouvait être pire que ce qu'il venait de faire : la mettre en confiance pour lui préparer un sale coup.
Elle leva son regard vers le sien et le fixa froidement :

« Laisse tomber. Je ne pouvais pas imaginer que les gens puissent être aussi cruels. Tout cela te paraît sûrement anodin, Po... Potter. Mais crois-moi, tu fais vraiment souffrir les autres avec tes stupidités. »

Elle se retourna alors et se mit en route pour son dortoir. Après tout, le couvre-feu était pour bientôt et elle n'était pas censée traîner dans les couloirs en dehors des heures de cours. Alors si on plus on l'attrapait avec cet ignoble gryffondor, s'en serait terminé pour elle.

Elle serrait son sac le plus fort possible et plus elle s'éloignait du garçon, plus ses larmes coulaient le long de ses joues.
Une pensée furtive traversa son esprit :

*Et si en fin de compte il avait été honnête avec toi et ne s'apprêtait pas à te faire du mal ? Et si tu t'étais emportée un peu trop vite dans la paranoïa ?*

Les larmes s'intensifièrent.
Dans tous les cas, elle venait de se ridiculiser et sa réputation n'en serait certainement pas améliorée.

Ce que répondit le garçon derrière elle lui serra la poitrine et quasi l'étouffa...

Le comportement de la serdaigle changea. Contente de marcher aux côtés du garçon, elle se mit à serrer son sac et à le regarder étrangement, comme s’il allait l’agresser. Etait-ce parce qu’il ignorait qui était Boris le Hagard ? Etait-ce à cause des agressions contre les serdaigles, qui avaient rendu James Potter suspect ?
Sauf que la méfiance ne faisait pas forcément pleurer. Voilà que la camarade du gryffondor avait les yeux embués de larmes.
*Qu’est-ce que j’ai dit ?* se demanda le garçon, interloqué. Il regarda la statue puis la fille, se demandant en quoi le fait de ne pas connaître cette statue était si dramatique.
Il comprit très vite, la bouche ouverte de surprise devant sa question. Lui, responsable d’un complot pour lui faire une sale blague ? Pas si absurde, quand on y réfléchit et quand on connait le personnage…

Elle ne laissa pas le garçon répondre et affirma son humanité, entrecoupée de larmes. A moins d’être un mangemort, comment ne pas être touché par ces paroles ? La honte et le remords se rappela une nouvelle fois au bon souvenir de l’irresponsable gryffondor. Il ne répondit rien à ces accusations. Que pouvait-il faire ? S’approcher d’elle, même pour la consoler, aurait été interprété de sa part comme une tentative d’agression supplémentaire. Nier ? Pour l’instant, il fallait avaler et reconnaître en pensée que s’il n’avait jamais fait de blagues contre une serdaigle, encore moins une fille, n’avait-il pas participé à l’ostracisme général entourant Meena-la-minable ? il y avait de quoi se sentir un minimum coupable.

Ses yeux encore perlés de larmes, la jeune fille le regarda froidement, l’accusant de cruauté. Sans doute le méritait-il en partie, mais pas dans le sens où la jeune fille l’entendait. Faire souffrir les autres avec ses stupidités ? Uniquement ceux qui le méritent et qui ont déjà fait souffrir les autres. Et encore, des stupidités ne sont-elles pas justement que des stupidités ? Ça n’a rien de sérieux. Le but est de faire rire, c’est tout.

La serdaigle partit en pleurant, serrant son sac contre elle. Potter ne fit aucun geste pour la retenir. Il ne courut pas pour la rattraper. En fait, il ne bougea pas mais croisa les bras. Il n’avait pas non plus l’intention de la laisser s’en sortir comme ça.

« Attends un instant ! Qui me prouve que ce n’est pas toi qui me fait une sale blague, Meena ? Qui était derrière l’autre ? Qui s’est manifesté en premier ? Qui accuse l’autre ? Tu trouves cela drôle d’essayer de me faire passer pour un lâche et un agresseur de serdaigles ? »

Maintenant qu’il était dans sa lancée, le bouillant Potter alla jusqu’au bout. Si elle espérait de la pitié, des larmes ou des repentirs, elle ne connaissait pas le capitaine de Quidditch ! Il s’avanca et essaya d’avoir la voix aussi froide que Meena lorsqu’elle l’avait accusé de faire mal avec ses stupidités.
« Tu vas faire quoi ensuite ? Aller voir le directeur, pour qu’on pense que c’est moi qui aie agressé ta préfète ? Pour qu’on me renvoie de l’école, voire qu’on m’envoie à Azkaban ? Qu’est-ce qui me prouve que ce n’est pas ton projet, après tout ? »

Il continua à avancer et reprit un ton beaucoup plus naturel, plus confiant, pour la convaincre de l’absurdité de ce qu’elle lui avait dit.

« Tu vois le souci, c’est que je ne crois pas un mot de mes accusations, mais toi oui. Pas de problèmes. Si tu crois parfaitement crédible que mon plan génial a été de parler à Peeves dans l’espoir qu’il nous laisse vite tous les deux, d’attendre que tu viennes au même moment et pas une heure après, parce que quelqu’un avait insinué dans ton esprit d’aller voir une statue dont je ne connaissais même pas le nom, que tu te manifestes au lieu de simplement tourner les talons, que tu acceptes de me parler alors que tu ne parles à personne, pour ensuite te faire une blague parce que j’avais une boule de cristal qui me permettait de prédire l’avenir, c’est toi qui voit. »

Dans quel état était cette jeune solitaire pour s’être imaginé ce genre de persécutions ? Ses camarades de serdaigle la harcelait-elle ? Il préféra terminer par une boutade pour détendre un peu l’atmosphère et, qui sait, lui arracher un sourire de dérision :

« Par contre, si tu veux vraiment qu’on coure un cent mètres, il faut qu’on parte en même temps, sinon tu triches ! Ça te dirait de courir au parc, plutôt ?»

Le discours du jeune Gryffondor l'avait tellement choquée et surprise qu'elle s'immobilisa une nouvelle fois. Le voilà qui retournait les accusations de la jeune fille contre elle ! Comment osait-il ? Comment pouvait-il penser une seule seconde qu'une fille comme elle, aussi sensible, pouvait penser de telles choses ? Malgré la mauvaise impression qu'il lui avait donné, jamais Meena n'aurait pu souhaiter de mal à ce garçon. Ni à personne, d'ailleurs.

Il continuait à présent son discours, d'une voix on ne peut plus froide et décidée. Il allait vraiment trop loin. Comment pouvait-il penser des choses aussi absurdes ! Bien sûr que non elle ne voulait pas qu'il soit renvoyé et bien sûr qu'il ne méritait pas d'aller à Azkaban. L'évocation de ce lieu maudit fit même frissonner la jeune fille.

*Après tout, c'est ce garçon qui a des problèmes, pas moi.*

Elle s'apprêtait à continuer son chemin sans se retourner quand la voix masculine, cette fois plus naturelle, continua sur sa lancée.
Il lui démontrait clairement qu'elle avait été ridicule et que oui, elle s'était bien emportée trop vite dans la paranoia. D'accord, il l'avait bien eue. Il l'avait piégée avec sa propre stupidité. La jeune fille se sentit soudain très bête. Heureusement qu'il ne la voyait que de dos, sinon il aurait explosé de rire en la voyant devenir rouge.

*Comment puis-je être aussi naïve ?*

Elle ferma les yeux et les serra fort. La dernière question du garçon, qui lui proposait ironiquement d'aller courir au parc, lui arracha un timide sourire de dérision et lui donna même l'envie de rire de sa propre bêtise.

*Encore une fois, bien joué Meena. Tu es la plus pathétique des élèves de Poudlard !*

Qu'allait-elle faire maintenant ? Qu'espérait-il ? Qu'elle se retourne pour s'excuser, une nouvelle fois ? Non, même son innombrable gentillesse ne lui en laissait pas la force cette fois. Elle se sentait tellement humiliée, et confuse aussi, qu'il lui était impossible de faire quoi que ce soit pour se rattraper. À coup sûr, si elle se retournait, elle se mettrait à bégayer, ou pire, elle s'évanouirait, enterrant définitivement toute chance, même infime, de se faire des amis.

Une fois de plus, elle se retrouvait coincée. Elle ne pouvait pas vraiment s'enfuir maintenant et se retourner était au-dessus de ses forces. À moins que...

*Peut-être que pour une fois tu devrais prendre ton courage à deux mains et affronter ce garçon. Après tout, il ne va pas te kidnapper, ce n'est qu'un élève lui aussi, et il a ton âge !*

Son sourire se transforma en grimace : elle était en pleine réflexion.
Si elle continuait son chemin sans même lui répondre, pour sûr, le garçon ne lui adresserait jamais plus la parole et inventerait sans doute des dizaines de blagues humiliantes à son sujet retraçant, entre autre, la lamentable scène qu'elle venait de lui offrir. Elle pouvait alors faire une croix sur tout changement. Elle resterait à jamais la fille invisible et muette de serdaigle.

Cette dernière pensée fit que, pour la énième fois depuis leur rencontre, elle inspira une grande bouffé d'oxygène. Puis, profitant d'une immense montée d'adrénaline et tout en se retournant vers lui, répondit :

« D'accord pour le parc. Mais pas plus d'une demi-heure, le couvre-feu des Serdaigles va avoir lieu et je ne suis déjà pas censée me trouver dans les couloirs à cette heure-ci. »

Incroyable. Sa réponse était sortie comme ça, naturellement, sans hésitation, sans bégaiement. Ses jambes ne tremblaient pas et ses larmes avaient laissé place à un timide mais joli sourire.
Elle attrapa un mouchoir en tissu blanc qui était glissé dans sa poche et s'essuya les joues et le contour des yeux, sous le regard amusé du garçon.

« Je suppose que tu n'as jamais rien vu d'aussi pathétique ? »

Elle lui avait dit ça avec un regard gêné qui, une nouvelle fois, lui demandait pardon.

« Et bien moi, je t'avoue n'avoir jamais ressenti autant de sentiments différents en aussi peu de temps ! Il va falloir que je m'habitude à la socialisation. »

Puis, se rapprochant de lui, elle ajouta :

« Ne va pas croire que je suis luna... lunatique. »

Les accusations absurdes de Potter avaient stoppé l’élan de la paranoïaque jeune fille. Fort heureusement, si le garçon ne voyait pas le devant, le dos de la serdaigle était assez expressif. Elle réagissait à sa démonstration ; elle avait compris qu’elle s’était imaginé n’importe quoi. Par contre, elle semblait hésiter sur la conduite à tenir. Comme la dernière fois le long de l’angle du mur, Potter resta en retrait et la laissa faire. Il ne lui imposait rien, il s’était approché sans se précipiter, sans lui courir après ou rien de ce genre. Manipulateur, Potter ? Non, simplement il avait sa tactique à lui pour amadouer une fille. Quelqu’un capable d’avoir sorti Jane Granger de sa réserve et même d’avoir eu une brève liaison avec elle, était parfaitement capable de se laver d’accusations de la part d’une fille plus timide encore.

Lui révélerait-il que l’année dernière, il ne l’avait pas épargné ? Oui, très probablement, Potter était assez sincère pour ça. Mais ce n’était pas le moment. Pour l’instant, il s’agissait de réparer ses fautes. Ensuite, il avouera.

L’adolescente respira un grand coup. Manifestement, parler avec un garçon n’était pas son point fort. Cela ne rendit que plus impressionnant l’effort qu’elle fit en acceptant l’étrange invitation de courir dans le parc. Mais pas plus d’une demi-heure… Le sportif garçon éclata de rire :

« Parce que tu t’imagines vraiment que je puisse courir plus de dix minutes ? au bout de deux, je suis épuisé, à cinq je me traîne, et à huit je m’écroule ! A dix, tu pourras toujours tenter de me réanimer, mais je ne garantis rien. Mais on va voir comment tu t’en sors, toi ! Si cela se trouve, c’est moi qui te ramasserai à la petite cuillère au bout de deux minutes, vantarde ! »

Meena tenta un timide sourire, elle s’essuya les yeux, lui déclarant qu’il n’avait rien vu d’aussi pathétique. Sur le ton de la confidence, James lui prit le bras avec le sien et commença à marcher avec elle, en lui demandant :

« T’ai-je déjà raconté la fois où je me suis retrouvé coincé dans les toilettes ? Mon vif d’or était tombé dans la cuvette en même temps que je tirais la chasse, j’y ai enfoncé mon bras pour le rattraper, sans réfléchir comme à mon habitude, j’avais réussi à l’attraper mais mon bras était resté coincé. Comme je refusais de lâcher mon vif d’or, il a fallu Rusard et trois professeurs pour me décoincer. Donc, crois-moi, par rapport à ça, tu es d’une dignité sans nom. »

Potter pouvait commencer à plaisanter avec elle, ce qui était excellent signe. Elle lui avouait être passée par plusieurs sentiments différents. En effet, il faudra qu’elle s’habitue à la socialisation ! James n’avait jamais remarqué cette fille si solitaire, lui l’un des plus populaires de l’école.

« Mais c’est très bien de passer par plusieurs sentiments : ça prouve que tu en as. », lui lança-t-il philosophiquement.
La remarque de Meena sur son lunatisme fit de nouveau rire le garçon.

« Moi, croire qu’une fille qui change tout le temps de sentiments est lunatique ? Bien sûr que non, je vais plutôt penser que tu es une fille ! Je t’explique : Pour les garçons, être lunatique c’est quand une fille change de sentiments toutes les minutes. Pour les filles, c’est un état normal : être lunatique c’est changer toutes les secondes. Donc je ne m’inquiète pas, tu es une fille normale. »

Familièrement, il la rapprocha de lui d’un coup sec pour signifier qu’il plaisantait, bras dessus bras dessous, puis il reprit :
« Par contre, si tu es branchée lune, j’ai un copain qu’on surnomme Lunard et qui en connait un rayon en astronomie. Il faudra que je te le présente. Si tu es souvent dans la lune, tu risques de le rencontrer. »

Au loin, la statue de Boris le Hagard resta immobile, comme depuis des siècles. S’il pouvait entendre, il lui faudrait tendre l’oreille pour écouter les nouvelles blagues de James qui s’estompaient.

« Si on court, et que je sois fatigué au bout de trente secondes, j’aurais droit à mon balai ? Je ne t’ai pas encore montré mon balai ? Un fabuleux Nimbus 1500, j’ai pensé devenir représentant en balai rien que pour pouvoir parler de cette merveille… »