Mardi 8 Février 1977, un jour comme les autres pour quasiment tout Poudlard, c'était donc un mardi, jour neutre du début de la semaine, pas aussi détesté que le lundi, encore loin de la fatigue de milieu de semaine et très loin de l'euphorie d'avant le week-end. Bref, un mardi tout ce qu'il y a de plus normal, avec du brouillard dehors, du givre sur les fenêtres et un bon mètre de neige sur le sol dehors. Mais quand je me réveillais et me rappelais de la date, je ressentis cette sensation typique de ce jour. Ce mélange de joie pour cette journée spéciale, teintée d'un brin d'amertume, une année de plus vers l'age adulte qui ne semblait ne me promettre que des problèmes.

Qu'importe, aujourd'hui, c'était mon anniversaire et je me levais d'un bond de mon lit, moi qui suis plutôt du genre zombie le matin, et m'habillais avec cette espèce de frénésie irraisonnée. Ce n'était rien d'autre que le jour de ma naissance, il ne se passerait sans doute rien de spécial, je ne devais pas attendre une pile de cadeau ou quoi que ce soit d'autre, ni même une fête, ni même une bougie, mais c'était quand même mon anniversaire. J'avais seize ans aujourd'hui, ce n'était pas rien après tout.

Le plus drôle était que je m'étais persuadé que je n'aurais rien à tors, arrivé dans la grande salle je trouvais à ma place une belle part de tarte au citron ornée d'une bougie, petite surprise de quelques amis. J'étais pour le moins touché et soufflait avec plaisir. Arriva Loki, oui non, pas le Dieu, faut pas trop rêver non plus, c'était simplement mon hibou. Il m'apportait une lettre de mes parents, froide, formelle, avec même une pointe de menace de mon père qui m'avertissait que ce n'était pas une raison pour faire le crétin sous prétexte que c'était mon anniversaire. Famille chaleureuse que la mienne, je haussais les épaules et la rangeais dans mon sac et donnait un peu de miamhibou à Loki en lui permettant de rester à table, il venait de traverser toute la Grande-Bretagne et n'avait sans doute eu aucune attention de la part de mes parents mon pauvre coursier.

Je devais avoir botanique au matin et la bonne surprise fut que, à cause de la neige, le cours fut annulé. En même temps, il fallait nager le crawl pour sortir dans le parc vue l’épaisseur qui couvrait le sol. Quand on connaît ma trouille pour le genre de plante qu'on voit en botanique, imaginez bien mon soulagement. Peut-être que chouchouter un hibou que j'avais nommé Loki m'avait attiré les faveurs du vrai Loki en fait. Oui je sais, on peut toujours rêver ! Mais si un Dieu devait protéger les Serpentard, c'était bien lui.

Je finissais mon petit déjeuner tranquillement avec la perspective d'avoir la matinée de libre. Une annonce suivit celle de l'annulation du cours de botanique. Ce pauvre Slughorn était malade, une bonne grippe, j'avais bien remarqué qu'il s'était montré discret hier soir. Du coup, cours de potion annulé, remue ménage à la table des Poufouffle et je relevais le nez de ma tasse de thé. Si je ne me trompais pas, c'était les septièmes années qui avaient potion ce matin, ce qui signifiait que... Mon regard parcouru la table à la recherche du visage familier. Je repérais la petite Ewilan, mais ce n'était pas elle que je cherchais. Enfin, Maewan ! Nous étions amis, même si je ne pouvais pas en parler, mes parents digéraient déjà très mal le fait que je côtoie Severus, alors imaginez, ami avec un sang mêlé qui ne se rattrapais même pas par le fait d'être à Serpentard et futur mangemort ! Je croisais son regard et lui adressait un sourire discret, on n'avait pas souvent l'occasion de se voir, c'était peut-être le moment. Je finis mon thé d'un trait et me leva, prétextant à mes amis que je voulais aller ramener mes affaires à la salle commune, ramener mon hibou à la volière et aller travailler un peu à la bibliothèque, au moins ils ne me chercheraient pas. J’espérais juste que Maewan comprendrais le message, je sortis de la grande salle, Loki s'envolant sur mon épaule et patienta en arrivant au palier du premier étage, c'était celui que j'avais repéré comme celui qui avait le moins de passage.

Je n'attendis pas longtemps, en fait, entre mon arrivée et celle de Maewan, j'avais juste eu le temps de donner un dernier biscuit à Loki et de le laisser s'envoler en direction de la volière. Mon hibou n'aurait aucun mal à trouver le chemin de la volière, je ne me faisais pas de soucis, l'avantage d'être un oiseau est que cela donne un bon sens de l'orientation, il avait plus de chance de s'égarer s'il restait avec moi. Bref, tout ça pour dire que Loki venait à peine de prendre son envol que Maewan arrivait. À sa façon, c’est-à-dire en me sautant dessus avec une telle fulgurance que je manquais de me casser la figure avant de l’étreindre à mon tour. À cet instant, j'oubliais une bonne partie de tout ce qui faisait convenance et autres bonnes tenues, c'était l'effet magique que le Poufsouffle avait chez moi, rares étaient les gens avec qui j'étais réellement naturel. En fait, je crois qu'à part lui et Elisabeth, je n'étais réellement moi-même avec personne. Pas même avec mon frère, Sirius, il faut dire aussi qu'il ne faisait pas grand-chose pour ça. Si, quand nous étions petit et qu'il était pour ainsi dire mon confident, mais notre complicité s'était éteinte à l'instant même où j'avais été envoyé à Serpentard, ce jour-là, son regard avait changé. Bon, et c'était sans compter les multiples menaces de mes parents au sujet de « n'adresse même plus la parole à Sirius », je m'égare !

-Maewan ! Je suis content de te voir, je me demandais si tu allais me suivre ! C'est très gentil d'y avoir pensé, merci !

Il avait même penser à me faire un cadeau, même si le fait qu'il ait seulement retenu que c'était mon anniversaire suffisait à me rendre heureux. C'est vrai quoi, je ne m'étais pas amusé à le crier sur tous les toits, ce n'était pas comme si j'avais passé la semaine à le scander, j'étais plutôt du genre discret. Je n'avais dû casser les pieds qu'à Severus étant donné que lui a le malheur de devoir me supporter au quotidien. C'est donc avec un sourire sincèrement reconnaissant que je pris le paquet que mon ami me tendait, soigneusement emballé, par lui-même sans doute. Je ne me presse jamais pour ouvrir les cadeaux, même si je suis curieux et que j'ai hâte de savoir ce qu'il y a dedans, j'ai pour principe de savourer avant même de le déballer et, fidèle à mes habitudes, j’ôtais le papier avec soin. Mon oncle Alphard, ça l'avait toujours rendu dingue et, d'aussi loin que je me souvienne, avait toujours essayer de m'apprendre à déchirer les emballages comme un sagouin, quelle idée ! Selon lui, j'étais trop lent.

Vu la forme et le poids, j'avais déjà deviné qu'il s'agissait d'un livre, j'avais vu juste, mais le sujet me surpris. D'un point de vue extérieur, il aurait pu paraître extrêmement maladroit d'offrir à Regulus Arcturus Black un livre sur des moyens de contrer des sorts de magie noire. Seul quelqu'un qui me connaissait vraiment pouvait savoir que c'était un sujet qui m’intéressait autant que la magie noire elle-même, quel intérêt de se cantonner à une seule face de la magie ? Mon regard s'illuminait tendit que je feuilletais quelques pages au hasard, c'était des techniques visiblement assez basique, mais déjà plus approfondies que ce que je voyais en cours de DCFM. En fait, je compris en quelques instants que le livre était très exhaustif et que plus on avançait, plus il traitait de sorts complexes, Maewan avait vraiment viser juste.

-C'est une super idée ! Merci encore !

Ses paroles me troublèrent, le problème avec lui, c'est qu'il voyait clair en moi et ce n'était pas toujours très confortable. Je n'étais pas aussi mauvais que ce qu'on pouvait dire sur moi, du moins, je ne pensais pas avoir un mauvais fond. C'est vrai, je suis un Serpentard, généralement bien snob, fier d'être un Black, fier d'être ce que je suis et sans doute pas toujours facile à vivre et souvent trop froid, moi-même j'avais souvent du mal à accepter le fait que derrière tout ça, j'avais tout de même envie de bien faire, de protéger ceux qui me sont cher. Au fond, je savais déjà que ça ne me plairait pas trop d'être mangemort, comme si j'avais le choix. C'est aussi pour ça que les paroles de Maewan me plongèrent dans une profonde réflexion. Notre monde était en guerre et tout les deux, nous étions censés être opposés, je savais bien qu'il comptait devenir auror. Mes mains se resserrent sur le livre qu'il venait de m'offrir, essayant de me reprendre.

-Oh, euh... je suppose que je me sens plus grand, en tout cas passer de 15 à 16, même si concrètement ça change rien, ça me donne moins la sensation d'être juste un gamin... Et tu as intérêt à être là dans un an ou je te jure que je viens te chercher dans l’au-delà par la peau des fesses !

Ce n'était qu'une demi-plaisanterie, je ne cachais pas le fait que j'étudiais la nécromancie, même si mon niveau était très loin de celui demandé pour ne serais-ce qu'invoquer un défunt. Mais de toute façon, il n'était même pas envisageable qu'il lui arrive quelque... Mon fil de pensée s’interrompit net en réalisant que si, justement, c'était une possibilité. Dans un an, Maewan serait diplômé et probablement apprenti auror, Merlin sait ce qu'il risquerait alors. Et moi, je serais ici, je ne pourrais même pas agir s'il fallait le protéger. D'ici là, peut-être même que je serais déjà mangemort... Ce serait d'ailleurs encore la meilleure façon de le protéger. Au moins en m'assurant qu'aucun d'entre eux ne s'en prendraient à lui. J'étais déjà fermement résolu à devenir mangemort mais une nouvelle raison venait de s'ajouter à ma liste.

Je protestais par réflexe quand il m'ébouriffa les cheveux en riant, me tirant de mes pensés assez angoissantes. Je dis par réflexe parce que, au fond, j'aimais bien quand il agissait comme ça. C'était d'ailleurs le seul qui se permettait d'agir comme ça envers moi, de toute façon je ne l'aurais accepté que de sa part.

-Tu ne peux pas t'en empêcher hein. Dis-je, souriant bien malgré moi, en contradiction avec mon ton boudeur. Je me remis les cheveux en ordre, enfin, vous savez, ce désordre soigneusement provoqué qui est terriblement compliqué à obtenir. Bon aller, on va éviter de parler de ta mort prochaine si tu veux bien, j'aime autant voir mon avenir avec toi dans les environs, et pas sous forme d'un ectoplasme si possible, d'accord ? On a notre matinée de libre du coup, tu avais prévu quelque chose ?

Déjà, je feuilletais les pages du livre que mon ami venait de m'offrir. En réalité, ce livre aurait pu être sur n'importe quel sujet, j'aurais été tout autant ravi. Il y avait un point important chez moi, c'est que j'étais quelqu'un qui aimait beaucoup apprendre, bien que je ne m'en vantais jamais. Le fait que je ne passe pas une soirée sans lire et que j'avais par réflexe toujours au moins trois livres extra-scolaires dans mon sac ne regardait que moi, je n'avais pas besoin de me faire une réputation de serdaigle raté. Le fait que le choixpeau avait vu ça en moi mais avait reconnu que c'était à Serpentard malgré tout, sans que je n'ai trop à l'influencer était également une chose que personne n'avait à savoir. Cependant, personne ne pouvait ignorer que j'avais effectivement tendance à avoir souvent le nez fourré dans un livre et tout le reste fourré à la bibliothèque. Heureusement, je faisais aisément passer ça pour un simple caractère studieux forcé par les pressions familiales, quand on est un Black, on se doit d'être parfait partout selon mes parents.

Une partie de moi avait pourtant envie de lui abattre son cadeau sur sa jolie tête histoire de lui apprendre un peu ma façon de penser. Je savais bien que cette bestiole comptais devenir auror, sans doute le métier le plus risqué comme ça. Je me faisais assez de soucis comme ça à son sujet, mais en prime il en plaisantait. Je lui signifiais donc que je préférais continuer de le voir en chair et en os plutôt qu'en mode ectoplasme. Naturellement, il rebondit la dessus en disant que de toute façon, il s’ennuierait cruellement en fantôme, ne plus rien pouvoir faire de physique avec ce qui passerait. J'éclatais de rire et rangeais mon nouveau livre dans mon sac, si je le gardais en main, je n'allais plus du tout en décoller.

-Oui, ce serait un enfer pour toi. Enfin si ça arriverait viens me voir, je suis sûr qu'il doit exister un moyen de redonner consistance à un... oh non par Salazar c'est glauque !

Même pour moi et mon intérêt limite façinatoire pour la nécromancie, l'utiliser pour redonner une consistance à un ami décédé pour qu'il puisse aller faire des cochoncetés était particulièrement malsain.

-De toute façon, ne t'avise pas de mourir ou tu auras affaire à moi, tu ne m’échapperas nulle part, ni dans ce monde, ni dans l'autre. Conclus-je, les bras croisés.

En y réfléchissant, je me dis que ça pouvait être interprété un peu de travers ce genre de phrase. Je ne cherchais pourtant pas à rectifier et, au contraire, l'idée de ce deuxième sens m'arracha un petit sourire en coin. De toute façon le sujet était clos et nous discutions à présent de notre emplois du temps, libre tout les deux. Il n'avait pas tord, nous évitions toujours de nous montrer ensemble, c'était désolant de faire passer son image devant l'amitié mais je n'avais hélas pas le choix. A la limite, me faire chambrer par mes amis, je m'en fichais un peu, mais si ça venait à se savoir plus haut, j'aurais de gros et désagréables problèmes avec mes parents et risquerait de compromettre ma carrière de mangemort, pas terrible tout ça. Surtout que cette carrière était justement la seule qui me permettrait d'échapper au joug de mes parents. Le seigneur des ténèbres, aussi terrible soit-il, ne risquait pas d'être aussi intrusif qu'Orion et Walburga Black. Et puis il faudrait bien quelqu'un pour défendre un peu cette tête brûlée de Maewan, essayer de le faire un peu oublié des mangemorts, tache difficile mais je comptais bien faire ce que je pourrais.

-Oui je sais... J'aurais des problèmes c'est sûr. J'ai prétendu que j'allais travailler à la bibliothèque ce matin, on peut essayer de se réfugier dans un coin tranquille du château. Sortir risque d'être difficile, on pourrait tenter d'aller voir à la tour d'astronomie, il n'y a pas de cours à cette heure, j'ai vérifié. Oh et puis au pire, si on nous vois, on disait qu'on avait une... réunion de coordination entre préfets de nos deux maisons, voila !

Et puis zut à la fin, c'est mon anniversaire, j'avais bien le droit de faire ce que je voulais. Je savais que c'était faux et que, non, je n'avais pas le droit de faire ce que je voulais, mais aujourd'hui je n'avais vraiment pas envie de me contenter que d'une entrevue en coup de vent avec mon ami. Je m'étais mis en tête qu'on passerait un moment ensemble, je comptais bien m'y tenir !